Génocide des Tutsi : un dispositif négationniste a été introduit au sein de la loi

 La date de 1994 est une date médiatique. Le génocide a commencé au plus tard lorsque l'intention de génocide fut exprimée ouvertement par des responsables rwandais à des responsables français, c'est à dire, selon les travaux des députés français, fin 1990. Un génocide commence quand on en exprime clairement l'intention, car c'est là que commence "l'entente en vue de commettre le génocide".

Le Fiagaro relate une décion de justice récente qui balise la problèmatique :

Génocide au Rwanda: un non-lieu en France

On peut lire : "[...] Les enquêteurs et les juges d'instruction se sont rendus plusieurs fois au Rwanda. Plusieurs témoins ont affirmé que Pierre Tegera avait participé à des campagnes anti-tutsi à Kibilira, jusqu'à lui prêter un rôle dans des massacres avant 1994. Mais les juges relèvent qu'aucun d'entre eux ne peut l'impliquer dans des tueries durant le génocide, selon l'ordonnance dont l'AFP a eu connaissance. Or, la compétence universelle de la justice française sur le génocide ne couvre que l'année 1994."

On voit bien à travers cette compétence temporelle réduite à l'année 1994 instituée dans les statuts du tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), et auxquels le dispositif juridique français est soumis par construction,  qu'on ne peut pas juger ce qui ressort des prémices du génocide des Tutsi. Par construction car les lois françaises de 1996 traduisent les dispositions du TPIR pour introduire la compétence universelle de la France dans ces affaires.  Si les membres du conseil de sécurité de l'ONU avaient été honnêtes ils n'auraient mis aucune barrière temporelle à la recherche de la vérité et des responsabilités dans le génocide des Tutsi. D'ailleurs cette compétence temporelle est en quelque sorte "anti-constitutionnelle" par rapport à la notion d'imprescriptibilité des faits qui génèrent un génocide. Il y a là une incohérence juridique qui n'a pas d'autre fin que de protéger des responsables de leurs éventuelles culpabilités dans la préparation du génocide des Tutsi, incohérence que la France a défendue bien évidemment.

La date de 1994 est une date médiatique. Ce n'est pas une date véridique. Le génocide a commencé avant 1994. Il a commencé au plus tard lorsque l'intention de génocide fut exprimée ouvertement par des responsables rwandais à des responsables français, c'est à dire, selon les travaux des députés français, fin 1990. Un génocide commence quand on en exprime clairement l'intention, car c'est là que peut débuter "l'entente en vue de commettre un génocide", et cette entente est constitutive de la qualification d'un génocide. Si cette intention exprimée n'est pas aussitôt dénoncée, combattue et condamnée, l'entente commence.

Le rapport et les auditions des députés français lors de leur mission d'information de 1998 nous informe que le responsable de la gendarmerie rwandaise a expliqué "la question tutsie" en ces termes au chef de la mission militaire de coopération française en décembre 1990 : « Ils sont très peu nombreux nous allons les liquider ». L'ambassadeur de France au Rwanda raconte lui que le responsable des forces armées rwandaises « s’était réjoui de l’attaque du FPR [octobre 1990], qui servirait de justification aux massacres des Tutsis »  Il est clair que c'est fin 1990 que cette entente, au moins tacite, a débuté au Rwanda entre les autorités rwandaises et les autorités françaises, car rien ne montre que cette intention claire a été dénoncée et combattue par les autorités françaises, au contraire.

C'est d'autant plus vrai dans ce pays que dès 1963 (soixante-trois) on a constaté des actes significatifs de génocide contre les Tutsi, concrétisés par plusieurs milliers de morts en quelques jours. En octobre 1990 on a emprisonné dix-mille Tutsi dans tout le Rwanda parce qu'ils étaient Tutsi et dès le début de 1991 des massacres de masse de Tutsi ont commencé contre les Tutsi Bagogwe, puis en 1992 contre les Tutsi du Bugesera, pour ne parler que des massacres les plus saillants.  La date de 1994 n'est qu'une date médiatique car c'est celle qui a frappé les esprits extérieurs au Rwanda. Ce n'est en fait que la date de prise de conscience des pays étrangers de ce qui se passait au Rwanda depuis longtemps et qui a plongé à ce moment en apothéose. Ce fut en quelque sorte le "bouquet final" pour utiliser une image malheureusement odieuse.

Cette période de l'année 1994 retenue fut politiquement une habileté particulièrement malhonnête dans le but de brider le travail des juristes. C'est une disposition négationniste introduite au cœur de la loi à l'ONU. Elle confirme, par cette protection, l'inaction de la communauté internationale contre les prémisses du génocide et la complicité des autorités françaises avec le régime génocidaire.


 

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