L'auto-intoxication française

L'auto-intoxication française aujourd'hui, 2 février 2017

L'auto-inoxication française n'est pas seulement celle de l'enjolivement du passé, dont je parlais en 2015 [1], c'est aussi celle d'aujourd'hui. "L'affaire Fillon" du nom de l'homme dont je pensais qu'il était l'un des plus honnêtes à droite, même si je ne partage pas beaucoup de ses idées, me plonge dans les profondeurs de mon ressenti sur la classe dirigeante française. Car même si la justice ne trouvait rien d'illégal à lui reprocher, ce qui semble chaque jour de plus en plus improbable, les pratiques mises à jour à cette occasion, en particulier chez les "sages" du sénat, jettent encore plus l'opprobre sur les pratiques courantes des politiques français.

Les gens du nord de l'Europe sont scandalisés par nos pratiques, jugées normales par nos politiques. Comme, pardonnez-moi, on juge normal en France d'avoir été complice du génocide des Tutsi parce qu'on soutenait de 1975 à 1994,  un régime majoritaire et "légal" au Rwanda, mais arrivé par un coup d'Etat au pouvoir, attaqué par des "rebelles" qui étaient en fait des Tutsi contraint à l'exil par une politique de discrimination de nature raciale, même si l'analyse "raciale" était complètement infondée. Les mots sont souvent des couleurs pour nos hommes politiques et ils pensent naïvement qu'avec la bonne couleur la réalité change. Leur naïveté n'a d'égale que celle des électeurs. Le réel c'est ce qui est dans la tête des gens, même si c'est faux ! Jusqu'au jour d'une crise...où les têtes prennent conscience.

Je fus tenté en 1973 par la politique. Pendant deux ans j'ai adhéré au parti radical présidé par le "Macron" de l'époque : Jean-Jacques Servan Schreiber. Il avait combattu la torture en Algérie, il luttait concrètement contre les essais nucléaires français, il proposait une régionalisation française concrète, il avait des idées sur l'éducation et la justice sociale. Bref ce package me convenait à priori. Mais je fus choqué par cette expérience. Non pas vraiment à cause de son président, mais plus à cause de ses militants. Je me souviens avoir écrit une lettre que j'ai probablement perdue, où je disais : il ne suffit pas de dire la vérité, il faut être dans la vérité. Et j'ai quitté la vie des partis, en 1975 si ma mémoire est bonne. Jamais je ne fus tenté de rejoindre un autre parti. Ce monde me semblait profondément englué dans des pratiques douteuses, mais jugées normales, voire justifiées.

Je n'avais pas rejeté la responsabilité politique pour autant car elle me semblait nécessaire. Au début des années 80 j'ai accepté de me présenter sur une liste municipale dans un petit village. Aucune référence à un parti politique. Je fus élu et j'ai démissionné au bout de trois ans, car dans ce petit village de Côte d'Or de nombreuses maisons tombaient en ruines, menaçant la population jusque dans la cour de récréation de l'école. Rien n'était fait bien que je remettais régulièrement le sujet sur la table. Jusqu'à ce que je comprenne que sur onze conseillers municipaux, huit étaient propriétaires ou proches de propriétaires de bâtisses en ruines.

J'ai constaté dans ma vie professionnelle que j'ai dû accepter d'être disqualifié à plusieurs reprises pour des raisons morales. D'abord par mon choix d'être objecteur de conscience, ce qui me fermait les portes de la fonction publique et jetait un sérieux doute chez les recruteurs privés. Ensuite dans des entreprises où les pratiques des dirigeants étaient parfois malhonnêtes, même dans une coopérative de 50 salariés-associés où on attendit de moi, comptable, que je fasse de fausses déclarations fiscales au vu et au su de l'expert comptable, pour résoudre une situation tragique... J'ai beaucoup souffert de mes exigences professionnelles et aujourd'hui, alors que d'autres prennent tranquillement leur retraite, je dois continuer de travailler pour compenser des périodes de chômage, qui cumulées atteignent neuf années au total. On s'est beaucoup moqué de moi : "tu ne t'intégreras jamais", "il faut accepter de se salir les mains", "tu es un idéaliste", voire même un "fainéant".... etc. Cela m'a valu deux divorces, la souffrance de mes enfants, sans parler du sentiment fréquent de ne pas être pris au sérieux, bref l'humiliation pour rester honnête à mes yeux... et au passage une condamnation pour "abandon de famille" - défaut de pension alimentaire...

Aujourd'hui, aux portes du troisième âge, je mesure que mes choix initiaux étaient fondés, refus des partis français et objection de conscience au service militaire et à la pratique militaire. Quand je vois jusqu'où nos armées sont allées se compromettre en Afrique, notamment une complicité active dans le génocide des Tutsi au Rwanda, sur ordre de nos politiques, intoxiqués en retour par les informations remontées de l'armée..., je peux me regarder dans la glace, même si j'en paye les conséquences. Car la logique de la malhonnêteté est totalitaire, et trop souvent couverte par la légalité...elle impose qu'on se taise... comme dans toutes les cultures mafieuses. Mon expérience de français me le montre clairement.

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  1. L'auto-intoxication française 1 janvier 2015 dans ce blog
     

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