De la République démocratique du Congo

 La RDC, République démocratique du Congo, ex-Zaïre, est au cœur des polémiques françaises sur l'implication des autorités françaises dans le génocide des Tutsi. Je m'y suis donc logiquement intéressé.

Quand on parle de l'Afrique des Grands Lacs sur un plan politique on évoque généralement un ensemble composé du Burundi, de l'Ouganda, de la RDC (ex-Zaïre, République démocratique du Congo), de la Tanzanie et du Rwanda. Ce sont les pays qui nous intéressent le plus dans la recherche de la paix dans cette région. La définition de l'Afrique des Grands Lacs reste un territoire aux délimitations fluctuantes, selon les points de vue.

Pour ma part je connais physiquement le Rwanda, mon épouse étant d'origine rwandaise. Je m'intéresse aux pays voisins pour mieux comprendre l’histoire du Rwanda.

Cette région fut particulièrement marquée en 1994 par le génocide des Tutsi au Rwanda et ensuite l'exode de centaines de milliers de Rwandais Hutu dans les pays voisins. Le noyau dur des génocidaires du Hutu power (militaires, miliciens, politiciens), leurs familles et leurs voisinages enrôlés ou terrorisés constituèrent l'essentiel de cet exode, après avoir commis le génocide des Tutsi. Certains avancent le chiffre probablement exagéré de 2 millions voire plus en ce qui concerne l'exode vers la RDC. Comme des Tutsi, beaucoup moins nombreux, avaient pris aussi la même route pendant le génocide, cet exode Hutu de juillet 1994 se fit parfois vers des camps où se trouvaient déjà des Tutsi ... sous le contrôle de l’opération Turquoise française et sous la houlette des Force armées Rwandaises et des miliciens (Interahamwe, etc.). Des actes de génocide contre les Tutsi s'y poursuivirent donc, renforcés par la reconstitution administrative du Rwanda génocidaire dans les camps. L'ONG Médecins sans frontières dénonça cette situation à l'automne 1994 et quitta ces camps. Ces Hutu power déstabilisèrent ensuite l'Est de la RDC en y injectant notamment leur pratique du viol systématique des femmes.  Ces pratiques firent tache d'huile dans les divers groupes armés locaux, particulièrement destructrices du lien social et de l'état sanitaire (sans parler des souffrances individuelles dont je ne me permettrais pas de parler à la place des victimes et de ceux qui les soignent). Les génocidaires rwandais tentèrent de transformer l'Est du Zaïre en base arrière pour reconquérir le Rwanda, avec le soutien français qui y reprit leur entraînement militaire.  Ce soutien français fut d'autant plus scandaleux et criminel qu'il s’opéra après le génocide, bien évidemment connu des autorités françaises, de la France de Mitterrand puis de Chirac. On n'insiste pas assez sur cet aspect cynique et dévastateur de la politique française au sein de la RDC, de concert avec celle des génocidaires rwandais qui se regroupèrent sous diverses appellations dont la dernière est "FDLR" et que leurs propagandes tentent de détourner vers d'autres responsables.

Deux guerres vont se succéder après 1994 dans l'Est du Zaïre/Congo. A partir des camps de réfugiés, situés en dépit des règles internationales à moins de 50 km de la frontière rwandaise, les génocidaires rwandais, Hutu-power, vont attaquer systématiquement les villages frontaliers du Rwanda pour "finir le travail" du génocide, à travers des opérations de commandos particulièrement sanglantes, et tenter de reconquérir le pays de 1994 à 1996. Après avoir averti à plusieurs reprises la communauté internationale, le "nouveau" Rwanda décida de régler lui-même ce problème sanglant en attaquant ces camps de réfugiés au sein d'une alliance militaire aux objectifs multiples, l'AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo). Ce fut la première guerre du Congo, 1996-1997, engageant au moins quatre armées (Zaïre, Rwanda, Ouganda et rebelles zaïrois de Laurent Désiré Kabila, "Mzee Kabila"), qui permettra la libération violente des camps de réfugiés rwandais et la poursuite des génocidaires rwandais, puis dans la foulée la destitution de Mobutu et son remplacement par Laurent Désiré Kabila. Des centaines de milliers de Rwandais furent alors rapatriés au Rwanda, sous la conduite de l'armée rwandaise et réintégrés au pays, notamment à travers des camps de rééducation et pour les génocidaires actifs la justice "Gacaca", justice traditionnelle adaptée au jugement des exécutants du génocide. Il semble probable qu'en échange de la mise au pouvoir de Kabila père, l'Ouganda et le Rwanda purent exploiter des mines au Congo, jusqu'à ce que l'alliance se désintègre rapidement. Kabila une fois président se trouva vraisemblablement happé par les influences diplomatiques internationales fortement magnétisées par les richesses du Congo et voyant probablement d'un mauvais œil la concurrence des pays voisins dans l'exploitation des mines.

Un noyau dur de génocidaires rwandais continua son action de sape sous l'appellation actuelle des FDLR (Force démocratique de libération du Rwanda), objet alibi de la traque par les puissances légales de la région et de l'ONU. La deuxième guerre s'étalera de 1998 à 2003 en "guerre de basse intensité" et engagera une dizaine d'armées de pays de la région, et divers commanditaires économiques et étatiques veillant essentiellement sur les intérêts des multinationales occidentales et asiatiques. Ces guerres sont l'objet encore aujourd'hui d'actes de désinformation pour le contrôle politique et surtout économique de la région, le grand enjeu étant les richesses exceptionnelles du sous-sol congolais. Il semble toutefois que le nouveau président Tshisekedi soit déterminé à renvoyer au Rwanda le dernier noyau des FDLR en accord avec les autorités rwandaises, plusieurs chefs des FDLR ayant été arrêtés ou tués par les forces gouvernementales congolaises en 2019.

Dans cet enjeu géo-politique, les maîtres du jeu sont surtout occidentaux (mais progressivement aussi asiatiques). Ils instrumentalisent les institutions internationales à cette fin, y compris la CPI, Cour pénale internationale. Les pays de l'Afrique des Grands lacs sont des exécutants intéressés, souvent traversés de forces opposées. Ils cherchent de plus en plus à tenir tête aux occidentaux et à créer entre eux une dynamique de paix, souvent menacée par leurs divisions internes et les exigences sournoises des membres permanents du Conseil de sécurité. La population, victime cédant souvent au fanatisme à la moindre alerte, souffre énormément de cette situation qui succède à la lente et exténuante désagrégation du Zaïre de Mobutu, au génocide des Tutsi depuis 1959 et à sa solution finale en 1994, enfin aux énormes inter-massacres burundais. Il convient ici de souligner que le Burundi et le Rwanda sont beaucoup plus distincts qu'on ne le dit en France. Il ne viendrait à l'idée de personne ici de confondre la Belgique et la France ou la France et la Suisse sous-prétexte qu'on y parle le Français. Il en est de même entre le Burundi et le Rwanda, ce sont deux entités très distinctes, même si des éléments culturels les font se ressembler de loin.

Il convient aussi de rappeler qu'une partie de l'est de la RDC actuelle était avant la colonisation, selon la chaîne de mémoire de vieux Rwandais, probablement sous l'autorité de la royauté rwandaise. Elle était constituée de plusieurs petits royaumes et d'un grand Mwami, roi en Kinyarwanda. Par mes amis congolais, car j'ai des amis congolais n'en déplaisent à certains (et pas toujours d'accord avec ma vision des choses), je sais que cette mémoire est contestée par les jeunes responsables congolais nostalgiques d'une certaine idée du Zaïre et qui ne veulent pas l'admettre et la rejettent comme étant une propagande du FPR rwandais au pouvoir. Ceci expliquerait pourtant que des Congolais du Kivu (Est-RDC) soient rwandophones et l'influence culturelle et politique du Rwanda dans cette région. Des petits royaumes du Kivu étaient d'ailleurs de nature analogue à ceux qui formaient le Rwanda. Ils étaient souvent coiffés par un "petit" "Mwami" (on utilise aussi au Congo ce même terme pour désigner ces petits rois) comme dans les petits royaumes du Rwanda. Des Rwandais, renforcés par des exilés Tutsi des républiques Hutu rwandaises entre 1959 et 1994, sont également toujours installés "économiquement" dans le Kivu depuis des décennies. Le centre du Congo étant difficilement franchissable, les flux économiques, de toutes natures, passent naturellement du Kivu à travers l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi, vers la Tanzanie et le Kenya puis par les débouchés maritimes de l'océan indien vers l'Asie et l'occident. Kinshasa, la capitale de RDC, situées à l'Ouest de la RDC, tournée vers l'Atlantique, mais sans accès navigable à l'océan, comme historiquement le royaume Kongo situé sur la partie ouest-sud-ouest de l'actuelle RDC, voit d'un mauvais œil cette économie orientale qui lui échappe.  La capitale considère, logiquement, que cette économie lui appartiendrait historiquement à cause de la prise de possession de toute la région par le roi Léopold II de Belgique, puis par la Belgique pendant la colonisation. Ces prises de possession coloniales restent l'entité mère de la RDC, comme celle des frontières du Rwanda actuel, bases de justification des frontières également pour les Nations unies. L'histoire et les considérations hypocrites qu'on en tire en politique ne font pas ici bon ménage.

Les hommes politiques congolais qui se distinguèrent à la fin des années cinquante avaient tenté de récupérer l'héritage colonial et de construire une unité nationale indépendante. Mobutu la baptisa "zaïroise" sur cette base. Pour nombre de Congolais, l'histoire commence en 1960 et ils ne comprennent pas qu'on puisse relativiser le bien-fondé de cet héritage occidental que Mobutu avait colorié en "authentique" Zaïre. D'authentiques divisions géographiques et quelques deux cent cinquante langues recouvrent autant de peuples. Aujourd'hui plusieurs langues fédératives rassemblent ces divisions initiales. Cet immense pays reste donc un rêve légué par l'histoire coloniale et revendiqué par tous les Congolais. Malgré tout, aucun Congolais n'arrive à rassembler cette construction occidentale sur leurs réalités africaines et à l'imposer au monde, qui, de l'extérieur, la considère simple zone d'exploitation de matières premières, comme initialement au 19 ème siècle. La RDC est aussi constamment mise en échec par les comportements économiques et politiques des congolais eux-mêmes ... qui, pour les plus fanatiques, accusent le Rwanda, 90 fois plus petit, 7 fois moins peuplé et n'ayant aucune richesse géologique majeur, d'être la seule cause de leurs maux. Pour eux la réussite progressive du Rwanda serait due uniquement au "pillage" de leurs richesses, dont il serait le seul responsable. Le Rwanda profite probablement du passage de ces richesses à travers son territoire vers l'océan indien. La politique et les médias français ont souvent contribué à cette propagande fanatique et destructrice qui incite, en 2019, d'anciens responsables politiques de la RDC à dire qu'il faudrait faire la guerre au Rwanda. Des Congolais objectent que les Forces armées congolaises ne sont pas à la hauteur d'un tel objectif, surtout face à l'armée rwandaise.

Les forces économiques internationales qui abusent des richesses minières du Congo entretiennent et cultivent ces divisions dans des stratégies locales complexes qui échappent aux Congolais. Elles font notamment intervenir une force onusienne d'une importance sans précédent, la MONUSCO (25000 personnes dont 20000 militaires et environ 1 milliard et demi de dollars de budget chaque année), justifiée par une interprétation déformée de la surmortalité congolaise, pourtant essentiellement "naturelle" dans ce contexte. On attribue aux conflits des morts qui sont les mêmes que dans les autres régions congolaises, ceux d'une société qui n'arrive pas à organiser sa vie sociale et ses soins de santé minimum.

La communauté internationale cultive le mensonge à propos de la RDC pour protéger les intérêts des cinq membres permanents du Conseil de sécurité et de leurs alliés. Les intérêts économiques ne sont pas les seuls motifs. La France d'avant Emmanuel Macron, par exemple, (au sein de l'ONU et dans les médias) et les génocidaires Hutu tentent d'utiliser ces morts congolais pour établir l'existence d'un "double génocide" rwandais qui amoindrirait leurs responsabilités dans le génocide des Tutsi, confondant pêle-mêle Hutu rwandais du Congo et congolais. A ce sujet il est intéressant de lire cette étude de deux démographes belges qu'on trouve sur le site de leur cabinet professionnel, l'ADRASS... et il est utile de rappeler, contrairement aux propagandes, que le fameux "rapport mapping" ne présente aucun décompte des morts des conflits du Congo, absolument aucun, pas même un ordre de grandeur. Voir cette page qui analyse cet aspect et permet d'accéder au document original du rapport mapping.

 

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