Rwanda : Non lieu pour l'attentat signal de lancement du génocide

La justice française a refusé d'aller au fond des choses, se contentant de rejeter les accusations contre l'entourage de Paul Kagame. Mais les véritables auteurs de ce signal de lancement du génocide des Tutsi courent toujours, sauf s'ils furent condamnés à Arusha pour autre chose.

Un non lieu !1 C'est une affaire lamentable, qui n'a probablement pas encore permis de révéler tout ce qu'elle cachait.

Quatre enquêtes2 ont privilégié que les missiles furent certainement tirés depuis le camp militaire des forces gouvernementales du régime Hutu. Une seule enquête, celle du juge Bruguière, disait que c'était le FPR qui en était l'auteur, sans apporter aucune preuve matérielle, seulement  des témoignages qui se révélèrent arrachés dans des conditions plus que douteuses. Or des éléments matériels furent récupérés par une équipe française sur les lieux du crash dans les heures qui suivirent. Cette enquête Bruguière est considérée par des juristes comme un "objet négationniste"3.

La justice française ayant dès le départ accusé l’entourage du Président Paul Kagame, cette décision sera évidemment bien accueillie à Kigali. Tous les négationnistes qui se sont gargarisés des conclusions infondées du juge Bruguière en seront pour leurs frais. Ils sont tellement bornés et intéressés à leur thèse qu'ils continueront de prétendre que Bruguière avait vu juste ! Le complotisme a la vie dure.

Mais le problème de fond reste entier. Qui sont les assassins de ce déclenchement du génocide ? Car si les enquêtes désignent le lieu de départ des missiles, le camp militaire de Kanombe, de nombreux indices laissent entendre que des Français, militaires ou mercenaires, ont pu prêter main forte, voire opérer directement cet attentat. Ce qui expliquerait la pagaille juridique de cette affaire.

Une vingtaine de militaires français résidaient officiellement dans ce camp le 6 avril 1994. L'un d'eux déclara même devant la justice avoir entendu le souffle de départ des missiles. Peut-être faisait-il parti de l'équipe des tireurs ? 

Un mercenaire français bien connu, ancien gendarme de l'Elysée, a été vu à Kigali ces jours là par plusieurs témoins. Lui-même déclara dans plusieurs écrits qu'il se trouvait sur une colline au centre de l'Afrique le jour de l'attentat. Il s'est montré souvent provocateur pour désinformer, allant jusqu'à prétendre à la télévision qu'il avait récupéré la boite noire de l'avion, montrant une boite noire, alors que la boite noire d'un avion est en fait orange, ce que France 2 rectifia le lendemain. Il est intervenu concrètement pour aider Bruguière à monter son accusation contre le FPR, le mettant, entre autres,  en relation avec un traducteur rwandais, gendre du "financier du génocide" (arrêté à Asnière-sur-Seine en 2020). Un "suicide" eut lieu à l’Élysée, le lendemain de l'attentat d'une personne en relation avec ce mercenaire, selon ce qu'il a raconté, et très proche de François Mitterrand. Ce sont des faits parmi d'autres. Ça sent l'affaire d’État à plein nez. Continuellement pendant ces 24 ans d'instruction, l'épicentre des désinformations fut à Paris.

De toute évidence les juges d'instruction n'ont pas voulu creuser la piste française. Une suspicion de honte continuera de régner sur notre pays au sujet de cet attentat qui déclencha le génocide. Une fois de plus, notre justice n'en sort pas grandie.

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1 - La justice française clôt l’enquête sur l’attentat contre le président Habyarimana en 1994 - France 24 - 15 février 2022

2 -  Auditorat militaire belge, enquête rwandaise et britannique conjointe, DGSE (Service de renseignement français dont les points de vue sur le Rwanda furent marginalisés de 1990 à 1994 par l’Élysée selon le rapport Duclert), et les juges anti-terroristes Trévidic et Poux (français) 

3 -  L'ordonnance du juge Bruguière comme objet négationniste
      Rafaëlle Maison, Géraud de Geouffre de La Pradelle -
      Revue Cités 2014/1 (n° 57), pages 79 à 90 PUF


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