Une condamnation pour faire taire un officier

Le lieutenant-colonel Guillaume Ancel a été condamné, aujourd'hui 16 mai 2022, pour diffamation envers Hubert Védrine. Je suis en colère.

 
  • "L'ancien officier français Guillaume Ancel a été condamné lundi 16 mai pour diffamation pour une série de publications mettant en cause l'ancien secrétaire général de l'Élysée Hubert Védrine et son rôle dans la politique de la France lors du génocide des Tutsis du Rwanda en 1994.
    Guillaume Ancel a été condamné à 2000 euros d'amende avec sursis pour diffamation publique envers un fonctionnaire public dans une quinzaine de tweets et plusieurs articles de son blog, publiés entre mars et juillet 2021. Il a été relaxé en revanche des faits d'injure publique. La 17e chambre du tribunal de Paris, spécialisée dans les délits de presse, a jugé que le prévenu avait «dépassé les limites admissibles de la liberté d'expression» et ne pouvait bénéficier de «l'excuse exonératoire de la bonne foi». Il devra verser un euro de dommages et intérêts au plaignant et retirer les textes jugés diffamatoires publiés sur Twitter et sur son blog.1"

J'ai assisté au procès et je l'ai raconté dans cet article Un grand moment de République.

A mon Dieu que c'est difficile pour des magistrats d'envisager de débouter un ancien ministre de Mitterrand qui a encore une grande influence politique et médiatique ! Voilà une décision qui ne renforcera pas ma confiance dans la justice française, déjà profondément dégradée lorsqu'il s'agit de la France au Rwanda.

Heureusement il y a quelques exceptions, comme je l'ai exprimé dans cet autre article : Rwanda : Complices de l'inavouable.

Il s'agit d'un génocide.

Le soutien français aux génocidaires rwandais était, comme une certaine "opération spéciale" d'aujourd'hui, entouré de mensonges et continue de l'être dans l'esprit de certains, malgré les faits.

On ne mesure pas que ce sujet hors norme, nécessite des débats et des  décisions hors normes. On ne peut pas autoriser des personnes "dépositaires de l'autorité publique" à dire absolument n'importe quoi sans qu'ils soient contrés, même par des citoyens qui témoignent qu'ils mentent. Même documents à l'appui, c'est pourtant trop souvent l'inertie de la conscience qui prévaut. Cela laisse insensible ceux qui ont décidément un piètre sens de la démocratie et de la nécessité de combattre l’impunité. Et si ces responsables disent n'importe quoi, c'est évidemment pour échapper à la justice du génocide. Cela s'appelle obstruer la justice.

Il n'est pas vrai de dire que la France n'était pas complice dans le génocide des Tutsi. C'est un mensonge énorme. Le rapport Duclert, qui n'a pas eu accès aux archives les plus graves2, a quand même conclu que les personnes concernées de notre État avaient des responsabilités "lourdes et accablantes", sur le sujet de l'implication de la France dans les événements du Rwanda.

La magistrature française continue de rester inactive face à ces graves impunités. Qu'au moins on les mette en examen, puisqu'ils sont "présumés coupables ... ou innocents". Nos procureurs se portent pâles et laissent les citoyens qui parlent se faire condamner contre la vérité, au nom d'impolitesses soi-disant anti-républicaines en quelques sortes, envers des personnes détenant l'autorité. Ce sont des décisions odieuses pour faire taire.

Quels mots faudra-t-il trouver pour soulever cette crasse abjecte qui obscurcit notre conscience nationale, et qu'ils soient acceptés par la justice française ?

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1 - Rôle de la France au Rwanda : un ex-officier condamné pour diffamation envers Hubert Védrine - Le Figaro - 16 mai 2022 (en accès libre)
Voir aussi : Site de la Commission d'enquête citoyenne - page actualité du premier trimestre 2022

2- Rwanda : les circonspections françaises oublieuses et inconséquentes- moi-même dans le club de Médiapart le 7 septembre 2021

 

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