Emmanuel Macron sombre dans la démagogie en RDC

Emmanuel Macron aux Congolais : « Et depuis 1994, c’est pas la faute de la France. Pardon de le dire dans des termes aussi crus : vous n’avez pas été capables de restaurer la souveraineté » Emmanuel Macron Présidence de la République, 4 mars 2023, selon la transcription partielle de la conférence de presse conjointe entre les Présidents Macron et Tshisekedi au Palais de la Nation (Kinshasa).

Extrait des propos de la conférence de presse d'Emmanuel Macron :

  • "Et depuis 1994, c’est pas la faute de la France. Pardon de le dire dans des termes aussi crus : vous n’avez pas été capables de restaurer la souveraineté… ni militaire, ni sécuritaire, ni administrative de votre pays. C’est aussi une réalité. Faut pas chercher des…, des coupables à l’extérieur sur cette affaire. Et donc, on en est dans cette situation qui a conduit à des drames absolus, à cette deuxième guerre, à des millions de morts, qu’on ne doit pas oublier, à la nécessité aussi, c’était une responsabilité qui doit se faire ici – c’est pas à la France ou d’autres de le faire –, de mettre en place une vraie justice, une justice transitionnelle qui est la clé pour que celles et ceux qui parfois ont tué soient jugés ! Et parfois ils évoluent encore, ils sont là, ils sont encore avec des responsabilités ! Comment voulez-vous qu’il y ait une paix durable et de la confiance dans un pays quand ces…, la justice n’est pas passée ? Ne demandez pas…, n’accusez pas la France pour quelque chose qui dépend de vous, là ! C’est une réalité aussi" 1

Les contre-vérités d'Emmanuel Macron

  • "C'est pas la faute de la France" 1

Les bannis du Rwanda depuis 35 ans, à qui le régime Hutupower refusait le retour, finirent par rentrer au pays en 1990 par la force au sein d'une force politique armée : le Front Patriotique Rwandais (FPR). C'est la France qui a soutenu à bout de bras, contre le FPR, le régime rwandais qui a fini par commettre le génocide des Tutsi en 1994, sans aucune réprobation de la France qui était pleinement informée de ce projet et continua son soutien morbide !

Malgré ce soutien, dans leur débâcle supervisée par l'opération Turquoise de la France, les génocidaires rwandais se sont réfugiés au Zaïre, entraînant leurs proches dans leur fuite et ont achevé de déstabiliser ce pays qui allait être rebaptisé la RDC. Ils ont notamment introduit au Zaïre/RDC le viol systématique des femmes comme arme de guerre, comme ils l'avaient pratiqué pendant le génocide des Tutsi, ce qui a donné lieu à la juste croisade médicale du docteur Denis Mukwege, pour "réparer les femmes" qui pouvaient l'être, couronné pour cela du prix Nobel de la Paix.

Mais comme beaucoup de Congolais le Docteur Mukwege a du mal à se départir des propagandes locales fortement influencées par les génocidaires rwandais et la France au moins pendant 15 ans après le génocide des Tutsi. Néanmoins, il a refusé de participer à un colloque au sénat français, pour ne pas céder à l'instrumentalisation de sa venue et éviter de soutenir la politique française, selon le journal catholique La Croix 2. Mais il reste que certaines de ses déclarations sont inquiétantes en tant que titulaire d'un prix Nobel de la Paix.

Le rapport Duclert, commandé par Emmanuel Macron, a clairement mis en évidence que la France avait "des responsabilités lourdes et accablantes" dans le génocide des Tutsi du Rwanda.

En plus de ces responsabilités, il convient de mesurer le poids du soutien de la France à ces génocidaires dont la fuite acheva de déstabiliser le Zaïre, déstabilisation renforcée par l'arrivée en quelques jours d'un million, certains parlent de deux millions, de Rwandais 3. Pire, la France a apporté un soutien en armes et en entraînements, après le génocide, à ces génocidaires rwandais pour un projet de reconquête du Rwanda depuis le Zaïre, au lieu d'essayer de calmer le jeu. Cela a entraîné la première guerre du Congo, le nouveau pouvoir rwandais ayant décidé après plusieurs avertissements, pour la légitime défense du nouveau Rwanda, agressé fréquemment par des raids meurtriers, de régler lui-même un problème que la "communauté internationale", France en tête, refusait de régler en faisant la sourde oreille. La France a donc aussi une lourde responsabilité dans la déstabilisation du Zaïre/RDC, par son soutien aux génocidaires rwandais sur le sol de la RDC 4.

Cette première guerre du Congo, qu'Emmanuel Macron s'est bien gardé d'évoquer, fut pourtant le ferment de la deuxième guerre du Congo qu'il évoque et qui vit la participation directe d'une dizaine de pays limitrophes, et indirectement de tous les pays qui défendent leurs multinationales qui se servent dans les mines de RDC...

Certes la France n'est pas pleinement responsable de la situation délétère du Zaïre à la fin des années 1980, en tout cas pas plus que les autres pays qui exploitent gratuitement les ressources minières de ce pays... c'est-à-dire en particulier les cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, soi-disant garants de la paix internationale.... sauf en Afrique ! Mais la France est pleinement coresponsable de la déstabilisation ultime du Zaïre à partir de 1994, par son soutien sans faille aux forces génocidaires rwandaises qui s'y étaient repliées. Bien que cette idéologie anti-Tutsi au Zaïre soit antérieure au génocide des Tutsi au Rwanda, la France a aussi une part de responsabilité dans la propagation exacerbée de cette idéologie en RDC.

Les propos d'Emmanuel Macron du 4 mars 2023 à Kinshasa sont donc profondément inquiétants et irresponsables. Triste souvenir d'un article du journal Le Monde du 4 février 1964, soixante ans plus tôt, qui titrait "L'extermination des Tutsis, les massacres du Ruanda sont la manifestation d'une haine raciale soigneusement entretenue". Cette "haine raciale soigneusement entretenue" continue aujourd'hui en RDC, contre les Tutsi congolais, source de la révolte du M 23, mouvement qui cristallise les regards parmi la centaine de mouvements armés dans l'Est de la RDC, car il est perçu comme la réplique congolaise du FPR 5 rwandais. Notre président n'a pas eu la sagesse de rappeler ce contexte, alors que ce problème anti-Tutsi devient de plus en plus paroxystique 6. Même faute que celle de Mitterrand dans les années 1990.

  • "... à cette deuxième guerre, à des millions de morts, qu’on ne doit pas oublier..." 1

Notre président tombe bien bas. Les seuls véritables démographes qui, missionnés par les institutions européennes, ont étudié avec méthode la population congolaise en vue d'établir les listes électorales et donc identifier chaque congolais, ont battu en brèche cette propagande. Les cartes d'électeurs issues de leurs travaux sont devenues, sur vote du parlement congolais, carte d'identité nationale en RDC. Selon eux la surmortalité due à la deuxième guerre du Congo, en RDC, fut de 183 000 morts. C'est déjà énorme et beaucoup trop. Même le rapport mapping, souvent invoqué pour confirmer des chiffres extravagants, ne confirme pas ces millions de morts que "perroquete" Emmanuel Macron. Ce sont probablement les services de l'Elysée et/ou du ministère des affaires étrangères français, voire de la défense, qui informent a priori Emmanuel Macron, qui continuent leur travail de sape pour défendre la politique française en Afrique centrale depuis 1990. Est-ce le point ultime de la désinformation présidentielle ? Saura-t-on faire machine arrière et emprunter un chemin de paix ? 7

  • Donneur de leçon ...

"Comment voulez-vous qu’il y ait une paix durable et de la confiance dans un pays quand ces…, la justice n’est pas passée ? Ne demandez pas…, n’accusez pas la France pour quelque chose qui dépend de vous, là ! C’est une réalité aussi" 1

"Là" c'est le comble de l'hypocrisie. La justice est-elle passée en France contre les complices français dans le génocide des Tutsi ? Contre les complices français dans les coups d’États qui émaillèrent la longue histoire de la françafrique et ont entretenu la captation française de ses anciennes colonies ?  Les procureurs français se font porter pâles face à ces responsabilités cruciales de l’Élysée. Où est la séparation des pouvoirs ? Ces propos sont une honte. La françafrique a encore de beaux jours devant elle avec une telle démagogie.

Certes les responsables congolais ne redressent pas leur pays et encore moins sa justice. Mais donner de telles leçons quand on est membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, ayant de ce fait un droit de véto dans toutes les décisions internationales, et ne pas être foutu de balayer devant sa propre porte particulièrement encombrée de pratiques ordurières contre la paix en Afrique est un piètre exercice pédagogique ! Cela tourne en une propagande qui couvre des crimes politiques et donc une propagande à caractère mafieux. C'est grave.

Il ne reste que les larmes congolaises pour pleurer ou l'espoir d'un miracle politique improbable, mais improbable ne signifie pas impossible

La RDC ne se lèvera pas si les Congolais ne prennent pas à-bras-le-corps leurs problèmes. Il faudrait qu'ils prennent sur eux leurs propres responsabilités et aussi les conséquences des "responsables" irresponsables internationaux qui alourdissent leurs charges et ne cessent de leur mettre des bâtons dans les roues. Ils ne peuvent pas compter sur les autres pays pour s'en sortir. Aucune des puissances d'argent qui s'enrichissent sur leur dos ne les aidera à s'en sortir.

Le Royaume Kongo fut "balkanisé" par la colonisation. Une partie des origines "Kongolaises" est au Gabon, une autre au Congo "brazza", une autre au nord de l'Angola, et la quatrième dans la région de Kinshasa. Le colonisateur a ajouté à cela des adjonctions artificielles de quelques centaines d'ethnies et langues diverses (des Congolais de l'ancien mouvement de Mobutu, m'affirment 500 ethnies et langues), sur un territoire immense à l'est de l'ancien Royaume Kongo, qui alourdissent d'une multitude de problèmes la balkanisation initiale, comme une bombe à fragmentation, en une mosaïque ingérable qu'on appelle la RDC. Seulement voilà les Congolais de RDC, notamment ceux de Kinshasa, sont comme les colonisateurs, ils convoitent les richesses minières de ces adjonctions, qui de toute façon leur échappent à cause de la corruption de leurs gouvernants, des exploitants congolais et de celle des pays industriels. C'est le nœud du problème. Les Congolais disent redouter une "balkanisation", mais sur laquelle ils s'embourbent déjà depuis la fin du dix-neuvième siècle. La preuve est faite depuis les années soixante qu'aucune force politique et économique, à l'extérieur, comme à l'intérieur du pays, n'a réussi l'unification de cette mosaïque ingérable. Il ne faut pas insulter l'avenir, mais le passé est lourd de signification.

Des pays qui n'ont pas tant de richesses minières s'en sortent beaucoup mieux. Dans le monde moderne les richesses minières sont un leurre. Ça aide, c'est sûr, mais ce n'est pas central. C'est la conception des projets et l'industrialisation qui comptent et surtout un État fort, capable de veiller à une cohérence économique et à une lutte contre la corruption. Le commerce ne sert à rien si on n'a pas de production, et donc de travail humain, intellectuel et manuel, à faire valoir. Cela n'enrichit que les commerçants, sur le dos du pays. Comme partout, les riches congolais assèchent ceux qui sont de plus en plus pauvres.

Quant à l'espoir, il est souvent détourné par de fausses églises, ayant souvent des soubassements extérieurs au pays, notamment US, qui servent de marche pied à des exploiteurs, avec la complicité de pasteurs autoproclamés, redoutables propagandistes. Le Christ avait prévenu contre "les faux prophètes"... et ce sont parfois des vrais "faux prophètes" qui mettent en garde contre "les faux prophètes" pour avoir l'air moins faux. On reconnaît un arbre à ses fruits.

Y a-t-il des Congolais ayant assez de force de caractère pour relever ces défis, d'une dimension qu'aucun autre pays supporte, ... dans le respect des centaines de peuples congolais ?

Pour l'instant, je connais surtout des Congolais désespérés par la situation, voire souvent ayant sombré dans une haine irrationnelle contre les Rwandais et les Tutsi qu'ils rendent responsables de tous leurs maux. Ils accusent les Rwandais de piller leurs richesses. Mais même, à supposer que ce soit vrai, pourquoi les Rwandais s'en sortent mieux qu'eux, alors que les Congolais disposent de ces richesses depuis bien longtemps ? Non le problème n'est pas le Rwanda, le problème est nécessairement, rationnellement, en RDC, dans l'esprit des Congolais.

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  1. Extrait de la conférence de presse conjointe entre les Présidents Macron et Tshisekedi au Palais de la Nation (Kinshasa)  Lien à consulter
  2. "Du côté du docteur Mukwege, c’est une tout autre version qui est donnée. Selon son assistant que La Croix a contacté, le prix Nobel de la Paix n’a pas donné suite à l’invitation qui lui a été adressée pour cette rencontre du 9 mars. Il ne la parraine pas et il n’y participera. La raison ? L’orientation donnée à ce colloque : « Derrière, il y a des militaires français qui veulent répondre aux accusations portées par le Rwanda contre le rôle de l’armée française avant et pendant le génocide. » Et de citer une manœuvre du général Lafourcade, le commandant de l’opération Turquoise." La Croix Un étrange et problématique colloque sur l’Afrique des Grands Lacs au Sénat 8 mars 2020
  3. Il convient de rappeler que le génocide des Tutsi fut un génocide populaire, que la justice du Rwanda traita 2 millions de dossiers, qui impliquaient des centaines de milliers de génocidaires.
  4. Plusieurs responsables de cette mouvance paramilitaire en RDC se sont réfugiés en France. L'un des principaux vient d'être arrêté dans la banlieue d'Orléans, grâce à une enquête de Theo Englebert de Médiapart.
    Génocide des Tutsis : Ntiwiragabo, le colonel sans papiers toléré en France Theo Englebert
    Rwanda: le «Hutu Power» a survécu en France Theo Englebert
  5. A propos du rapport de l'ONU qui accuse le Rwanda au Congo Lien à consulter
  6. Trop de Congolais veulent anéantir le Rwanda Lien à consulter 
  7. La surmortalité au Congo - Une étude de l'ADRASS Lien à consulter
 

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