Rwanda : La France et le Front Patriotique Rwandais (FPR) dans la période 90-94

Les Français qui relèvent de "l'inavouable", selon le titre d'un livre de Patrick de Saint-Exupéry, entretiennent des informations déformées et/ou fausses sur le Front Patriotique Rwandais dans la période de 1990 à 1994, et même au-delà alors qu'ils ne mettent plus les pieds au Rwanda depuis 1994.

Comme toutes les armées du monde dans un conflit, c'est hélas une constante, l'APR (armée patriotique rwandaise) a tué ses ennemis et a parfois commis des excès. De plus, n'oublions pas que ces ennemis étaient des génocidaires et leurs complices français. Mais il faut savoir aussi que certains de ces excès furent sanctionnés par la nouvelle République que le FPR institua. Sans ces sanctions, le Rwanda serait resté dans les abysses destructeurs où l'avaient conduit les alliés de la France, dont nos députés ont relevé que les officiers français commandaient "indirectement" l'armée rwandaise. A notre avis cet avis parlementaire est en deçà de la vérité sur la période 1990-1993 et même sans doute sur la période 1994 où l'opération Noroît de l'armée française s'était retirée, mais où restaient des coopérants gendarmes et militaires français qui avaient une grande autorité sur l’armée rwandaise.

Relevant par ailleurs que la France prétend avoir soutenu les accords d'Arusha, accords que le chef d'état major particulier de François Mitterrand et d'autres officiers et des politiques ont ouvertement qualifiés d'exorbitants à l'avantage du FPR, il apparait clairement que la France eut un double jeu... à moins que ce ne soit la version du "en même temps" à la sauce "mitterandienne". La France n'a respecté aucun des accords de cessez-le-feu de 1991 ou 1992, celui de 1992 constituant le premier des cinq accords d'Arusha. Ces accords de cessez-le-feu prévoyaient en effet explicitement l'arrêt des livraisons d'armes (bien avant l'embargo de l'ONU de mai 1994) et le départ de toutes les troupes étrangères. La France attendit 18 mois pour partir et continua de livrer des armes et de superviser des livraisons d'armes aux génocidaires, pendant et même après le génocide ! Double langage français évident. La France, ou plus exactement un noyau français constitué autour de conseillers de François Mitterand, d'anciens ministres de gauche et de droite et d'officier français, n'a pas digéré son échec militaire au Rwanda. D'où les polémiques infernales et indignes que nous pouvons constater encore aujourd'hui.

Ces polémiques s'infiltrent partout y compris chez des éditeurs reconnus. En France "Que sais-je ?" a fait appel à un universitaire belge qui avait contribué à la rédaction de la constitution du régime Hutu qui glissa vers le génocide. Inutile de dire qu'il défend cet engagement ! Survie a relevé dans son "Que sais-je ?" des "malversations". Des citations de ce "Que sais-je ?" sont en effet déformées et tronquées astucieusement dans le sens d'une thèse, celle des Français de l'inavouable. Plus grave au sein de la justice française, l'enquête du juge Bruguière sur l'attentat déclencheur du génocide fut alimentée par un officier de gendarmerie, ancien du GIGN et mercenaire notoire dont Paul Quilès (lors des commémorations de la déclaration des Droits de l'homme à Strasbourg !)  m'a dit droit dans les yeux que "c'est un clown", considéré comme suspect dans l'attentat par des analystes et qui a fournit en outre un traducteur pour l'instruction en la personne du gendre du "financier du génocide" recherché par le TPIR (Tribunal pénal international pour le Rwanda), gendre expulsé de Suisse pour activité contre les Tutsi avant le génocide de 1994. Les deux principaux témoins, sur lesquels repose toute la thèse de Bruguière ont dénoncé des manipulations de leurs témoignages.

Au Rwanda, les rescapés du génocide des Tutsi vivent dans un contexte difficile, mais même si au fond des cœurs toutes les cicatrices ne sont pas refermées, même si parfois on voit encore des témoins du génocide se faire assassiner, on peut dire que la société s'est réellement apaisée. Mais il est clair que le Rwanda s'est reconstruit avec une population constituée en très grande majorité par ceux qui entouraient le plus souvent passivement le noyau de nombreux tueurs actif.

Heureusement les jeunes qui sont nés après le génocide constituent aujourd'hui la grande majorité de la population. Il est sain qu'on les protège de l'idéologie qui conduisit au génocide des Tutsi. Le Rwanda a interdit les références politiques aux catégories Hutu, Tutsi, Twa, qui de plus n'ont jamais été des ethnies, mais des caractéristiques socioprofessionnelles d'une société paysanne qui est aujourd'hui en grande transformation à l'image du reste du monde. Par contre les thuriféraires français du régime génocidaire rwandais continuent d'attiser les braises dans la diaspora rwandaise.

Quand le génocide de 1994 a commencé, le Rwanda était dans l'attente de la mise en œuvre des accords d'Arusha par le Président Habyarimana. Lorsqu'il s'est enfin décidé, sous la pression internationale, notamment des pays voisins inquiets et de la MINUAR (Mission des Nations Unies Pour le Rwanda), il fut tué dans un attentat et la machinerie à tuer fut déclenchée. Il avait lui-même contribué à mettre en place cette machinerie en cédant tout aux durs du régime par la pratique d'un double langage, résumé par cette célèbre phrase, prononcée en langue rwandaise pour que les occidentaux n'entendent pas, "les accords d'Arusha sont un chiffon de papier" .

Je connais plusieurs rescapés du génocide qui doivent la vie au fait d'avoir pu se réfugier derrière les lignes du FPR. D'une manière générale, c'est un fait admis que les rescapés, qui avaient la chance de se retrouver sous la protection du FPR, n'ont pas subi plus longtemps le génocide. La parole des Rwandais a autant de valeur que celle des Français. Beaucoup d'autres rescapés ont eu assez souvent la vie sauve, à un moment ou à un autre, grâce à des Hutu qui les cachaient quelques temps. Parfois c'étaient des Hutu qui par ailleurs tuaient, mais pensaient avoir tout leur temps, ou peut-être avaient des moments de lucidité ou des moments où ils se sentaient moins sous la pression populaire. Car ce fut un génocide populaire avec une grosse minorité active et une majorité silencieuse passive et hésitante. Les Gacaca (justice du génocide au Rwanda) ont traité presque deux millions de dossiers liés au génocide. Beaucoup des Hutu qui ont tué, l'ont fait sous une pression quantitative et "morale". Souvent les rescapés ont eu la vie sauve plusieurs fois au cours de ces trois mois, passant d'un moment critique à un autre, dans un stress permanent.

Les Hutu qui ont vraiment fait le choix de sauver des Tutsi, sans tremper dans le génocide par ailleurs, sont reconnus comme "justes". Chaque année au Rwanda, un jour est dédié aux justes .

Pour revenir au FPR, plus il avançait sur le territoire rwandais, plus il sauvait des rescapés. Gagner la guerre, certes pour arracher le pouvoir aux génocidaires qui avaient commencé par renverser le gouvernement d'opposition Hutu modéré, était aussi le seul moyen d'arrêter le génocide. Il faut être assez niais pour oser critiquer cette conquête du pouvoir. Elle était devenue un devoir moral, au nom même de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, que les nations qui se disent "civilisées" n'ont pas respectée et que le FPR fut par la force des choses obligé de mettre seul en œuvre. On ne peut pas lui reprocher d'avoir renverser un gouvernement qui vient de faire un coup d’état et un génocide d'une ampleur inégalée en rythme macabre !

Mais en France on trouve des bobos pour justifier le soutien de notre pays aux auteurs de ces crimes de génocide, au nom d'un procès d'intention hypothétique de massacres de Hutu par le FPR et donc appelant les droits de l'homme à la rescousse ! Ceux-là accusent le FPR d'avoir combattu en tuant... en fait des génocidaires... ce qu'ils qualifient parfois de "double génocide", puisque ces génocidaires étaient Hutu (CQFD), expression qui doit être comprise comme négationniste, car elle relativise le génocide par le combat contre les génocidaires. La réalité sociologique et historique de la population rwandaise actuelle s'inscrit de plus en faux contre cette idée de double génocide. S'il y avait eu génocide des Hutu, le Rwanda n'aurait pas 12 millions d'habitants aujourd'hui contre 7 millions en 1994 à 80 % Hutu ! Dans tous les événements on trouve toujours des commentateurs qui ne connaissent pas le sujet en profondeur, mais s'en servent pour faire de l'idéologie pour protéger des secrets, ici bien français, et/ou une certaine fierté nationale mal placée.

Je trouve hallucinant que pour justifier la complicité criminelle de la politique française  avec l'intention génocidaire que ses alliés rwandais lui exprimèrent à partir de 1990, selon le rapport de nos députés même s'il a circonscrit ces faits, on cherche non seulement à relativiser le génocide des Tutsi, mais en plus on invoque tous les défaut de la terre qu'on peut trouver au régime politique qui fut instauré APRES ces événements. Cela n'a donc aucun sens, quoi qu'on pense de ce régime, et je n'en pense pas que du mal pour ma part, loin de là, même si aucun régime politique n'est parfait ...

Je sais en effet, par expérience en tant que Français, qu'aucun régime politique n'est parfait quand je vois les nombreux massacres de masse que les républiques françaises ont accompli, à commencer par le "populicide" vendéen, selon un terme contemporain d'un révolutionnaire, exécuté par la matrice de ces républiques, "génocide parfait" selon des historiens actuels, en passant par les nombreux massacres coloniaux et néocoloniaux, (Algérie et Paris, Cameroun, Madgascar, etc.) et en terminant par le dernier en date : celui des civils ivoiriens en novembre 2004. A Abidjan, l'armée française a tiré à bout portant depuis des blindés et un hôtel sur une foule de jeunes désarmés : selon la FIDH une soixantaine de morts (sur le coup, car on n'a jamais dénombré les morts parmi les blessés les jours suivants) et plus de mille blessés, en quelques minutes. On trouve de nombreuses vidéos amateurs et des reportages sur internet. Parmi ces vidéos j'ai trouvé un documentaire que je ne connaissais pas et qui est particulièrement complet (même si le présentateur du documentaire minimise le nombre de morts par rapport au communiqué de la FIDH). C'est donc de l'ordre de ce qui s'est passé dans les attentats terroristes en France, mais sur décision politique de Paris (Jacques Chirac à l'époque) et du général responsable de l'armée française sur place, qui fut écarté quelques mois plus tard, sanction rarissime, mais sur un prétexte autre, l'assassinat d'un ivoirien dans un blindé français.

Ces massacres français sont-ils défendables  ? Sont-ils plus conviviaux que la description que les défenseurs de l'inavouable font du régime rwandais actuel ?

Ouvrons les archives si tout est si beau côté français, pourquoi les cacher ?

Il y a aussi les archives physiques : Où a-t-on caché en France les pièces prélevées sur le lieux du crash par un officier français ? Ce sont nos députés qui nous ont révélé que cet officier est venu sur le lieu du crash plusieurs fois dans les heures et les jours qui suivirent. Même la famille Habyarimana a témoigné qu'il cherchait "la boite noire", et qu'il l'aurait trouvée. Il a probablement trouvé aussi des débris de missiles. Les boites noires ne donneront pas le nom des assassins, mais contiennent sans doute des renseignements utiles à l'enquête. Certes elle n'est pas indispensable, la carcasse de l'avion toujours sur place, les études balistiques françaises et anglaises, l'enquête de l’auditorat militaire belge, les multiples témoignages des personnes qui étaient à l'aéroport et dans les environs, rassemblés dans les rapports rwandais, sont déjà très parlants. Le "juge" Bruguière n'a même pas tenu compte de tout cela ou ne s'en est pas soucié. Son ordonnance est un scandale juridique et politique. Heureusement que son successeur, le juge Trévidic et sa collègue Nathalie Poux furent plus consciencieux.

Mais pourquoi la cacher cette boite noire ou même peut-être l'avoir détruite ?


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