Trop de Congolais veulent anéantir le Rwanda

Des propagandes alimentent une véritable culture anti-tutsi au Congo qui menace gravement la paix dans la région.

Ces propagandes, multiformes, ont développé une grille de lecture qui attribue tous les maux de la RDC aux Rwandais et particulièrement aux Tutsi... Sombres souvenirs pour les Tutsi. Les Juifs furent aussi accusés d'être la cause de tous les maux du monde. On sait ce qu'il advint.

Cette propagande, abondamment relayées par des propagandistes francophones, jusque dans le Club de Médiapart, attribue aux Tutsi le comportement destructeurs des génocidaires rwandais qui ruinent tout sur leur passage dans l'Est du Congo depuis presque 30 ans. Ce sont ces génocidaires qui ont notamment installé, en RDC, la culture du viol systématique dans la région, pratiques qu'ils avaient développées pendant le génocide des Tutsi.

Il est incontestable que les campagnes militaires lancées par le Rwanda et l'Ouganda eurent un rôle majeur dans les deux guerres du Congo. Comment, de la volonté affichée, et compréhensible, de démanteler les camps génocidaires, installés avec le concours de la France au Zaïre et désertés par Médecins sans frontières à cause de la structuration génocidaire en leur sein1, en est on arrivé à la mise en fuite de Mobutu en investissant Kinshasa ? Ce qui est peut être une faute politique car ce devait être le rôle des Congolais de maitriser leur pouvoir politique, y compris de chasser le dictateur Mobutu. Laurent Désiré Kabila, dit Kabila père, fut leur marionnette, marionnette qui, comme les robots de science fiction, s'est retournée contre ses créateurs, sans doute sous l'influence d'autres prédateurs de la RDC.

Ce qui est particulièrement contestable, c'est la coloration excessivement ethniciste, "Tutsi", de ce que de nombreux congolais vivent comme une humiliation qui rappelle celle d'Hitler devant la défaite de l'Allemagne en 1918. Cette haine anti-tutsi n'est pas justifiable puisque la majorité des officiers et militaires rwandais auraient une carte d'identité ethnique Hutu, si elle existait encore, et que ce problème exacerbé ne se trouve pas en Ouganda.

Ce qui est aussi très contestable c'est l’exagération outrancière de la surmortalité due à la guerre au Congo. Des démographes belges, qui ont supervisé l'établissement des listes électorales des élections présidentielles de RDC, ont dû calculer cette surmortalité due à la guerre. Ils arrivent à 183 000 morts (cent quatre vingt trois mille). C'est déjà un nombre énorme. Leur carte d'électeur fut officiellement déclarée carte nationale d'identité par le parlement congolais. Pierre Péan arrive lui à 7 millions de morts !!! Ils s'appuie sur des calculs alambiqués, incluant notamment l'IRC, International Rescue Committee, une ONG américaine dont le conseil de surveillance est truffé d'anciens secrétaires d’État US et pas des moindres (Kissinger, Albright, Powel, Rice, etc.). Une organisation qui usurpe l'expression d'organisation non gouvernementale (ONG)2.

On sait très bien que tout ce qui est US est susceptible de mentir, comme pour l'Irak, pour protéger les intérêts et convoitises américaines. Même certaines églises évangéliques sont en fait des réseaux de la CIA. Derrière les conflits en RDC, il y a les ressources minières colossales du pays, et donc les multinationales, majoritairement US. Il faut justifier la mission de l'ONU, la MONUSCO, plus grosse mission de l'ONU, dont les congolais ont le sentiment qu'elle ne sert à rien. Quant aux propagandistes  du genre de Charles Onana, ils rendent exponentielles toutes ces accusations contre le Rwanda et plus particulièrement contre son président. C'est de la guerre psychologique contre le Rwanda. Charles Onana est un conteur africain aussi fantaisiste qu'habile dans la rhétorique. Mais ses arguments sont souvent faussés, que ce soit sur la question de l'attentat du 6 avril 1994 au Rwanda ou sur les procès du TPIR ou sur l'association Survie. Il est un des rares propagandistes qui a osé affirmer qu'il n'y aurait pas eu de génocide au Rwanda4. Il est profondément dommage qu'il ne mette pas son talent rhétorique au service de la Paix dans la région.

Le manque de clarté sur les guerres du Congo et les amalgames et imprécisions du rapport Mapping, à qui on fait dire n'importe quoi, contribuent aussi à ce climat particulièrement délétère et confus. La seule page où le Mapping parle de nombre de morts, dans une seule phrase, une seule, c'est à la page 49 qui renvoie à une note de bas de page où il est écrit qu'il n'était pas dans la mission des rapporteurs de décompter le nombre de morts en RDC.

  • "Ces dix années ont, en effet, été marquées par une série de crises politiques majeures, des guerres ainsi que de nombreux conflits ethniques et régionaux qui ont provoqué la mort de centaines de milliers, voire de millions de personnes 87" "
  • Note de bas de page 87 : L’International Rescue Committee (IRC) a mené quatre études sur la mortalité en RDC entre 1998 et 2004. Selon l’IRC, depuis le début de la deuxième guerre en août 1998 jusqu’à la fin du mois d’avril 2004, environ 3,8 millions de personnes auraient péri, victimes directes ou indirectes de la guerre et des conflits armés. Il est à noter cependant que la méthodologie retenue par l’IRC pour déterminer le nombre de morts indirects repose sur des études épidémiologiques et des estimations de croissance démographique qui ont pu être contestées. Compte tenu de son mandat, il ne revenait pas au Projet Mapping de se prononcer sur le nombre total de personnes mortes ou tuées du fait de la situation en RDC au cours de la période considérée."

Pourtant tout le monde ou presque prétend que le Mapping aurait recensé 6 millions de morts en RDC. La propagande a triomphé. Dans le Mapping on trouve par contre 177 fois (je n'ai pas arrondi le nombre) l'expression "nombre indéterminé" !

Les réseaux sociaux à sensibilité politique congolaise fomentent ouvertement l'anéantissement du Rwanda. Je l'ai encore entendu sans détour cette semaine, dans la bouche de Congolais strasbourgeois. C'était à la sortie d'un film qui se passe au Congo, présenté par l'ACAT et Amnesty International3. L'un d'eux m'expliqua qu'il assistât en 2020 au colloque au sénat français sur la RDC où Fayulu prit la parole. Selon eux, comme il n'y a pas d'ethnies au Rwanda (ce qui est vrai), Hutu et Tutsi sont à mettre dans le même sac, ce sont des "banyarwanda", et donc les ravages des Hutu génocidaires au Congo sont imputables au Rwanda et particulièrement aux "Tutsi de Kagame" qui n'ont pas à régler leurs comptes avec les Hutu en RDC, de même qu'ils n'avaient pas à régler leurs comptes à Kisangani avec l'Ouganda pendant la guerre des six jours, dont la population civile à trinqué lourdement. C'était l'objet du film. Il est d'ailleurs significatif que ce film se focalise sur cette guerre des six jours qui fit un milliers de morts et 3000 blessés, comme d'un événement majeur des conflits en RDC. Où sont les "six millions de morts" ? Le film souligne l'indifférence de la classe politique congolaise envers ces blessés très handicapés, qui ont eu très peu de réparation, et dont elle n'exige pas de l'Ouganda qu'il paye les obligations de réparations auxquelles la Cour internationale de Justice l'a condamné.

Le Rwanda est quatre vingt dix fois plus petit que la RDC et sept fois moins peuplé. Cette volonté exprimée  d'anéantir le Rwanda est donc particulièrement grave. Heureusement, pour l'instant, la RDC n'est pas en état de mener des opérations militaires contre le Rwanda. Mais des hommes politiques congolais en rêvent. Plusieurs articles s'en sont fait l'écho il y a quelques mois.  Ce courant est soutenu ouvertement par l’Église catholique, même si sur ce sujet un archevêque congolais a appelé à la prudence en soulignant l'incapacité de l'armée congolaise sur un projet de ce type, plutôt que de faire appel à une réflexion éthique. Cela rappelle la tolérance avec la pédocriminalité.

Adolphe Muzito, ancien premier ministre et bras droit de Fayulu, proposa « «Il faut faire la guerre au Rwanda pour rétablir la paix dans la région. Le Rwanda influe sur la politique congolaise. L'Ouganda aussi» «Nous ne pouvons faire la paix qu'en menaçant le Rwanda, en occupant son territoire, si possible annexer le Rwanda.»5.

Martin Fayulu a fait la gaffe de regretter dans le colloque au Sénat français de 2020 que trop d'officiers congolais seraient Tutsi. Personne ne l'a mis en garde contre une chasse aux sorcières ethnique, même pas Hubert Védrine et les sénateurs présents. La présidence du Sénat fut pourtant alertée sur les dérives vraisemblables de ce colloque organisé par la mouvance Védrine, avec la participation de Judi Rever et de Charles Onana. Fayulu n'avait pourtant pas été annoncé. Rappelons que le parrainage annoncé du Docteur Mugwege pour ce colloque fut contesté par le docteur qui ne voulait pas servir de caution à la stratégie militaire de la France dans la région, selon le journal La Croix6.  Ces sénateurs sont en dessous de tout sur ces questions4. C'est pourtant avec cet esprit que le génocide des Tutsi germa au Rwanda.

Ces congolais considèrent  majoritairement que les rapprochements politiques actuels entre le Rwanda et la RDC sont une trahison. Ils le disent ouvertement. Manifestement, ils veulent la guerre. Tout signe de paix serait une trahison. La RDC n'a-elle pas assez souffert de la guerre ? Où est la cohérence ? *

Modification de quelques lignes le 1 décembre 2021 et ajout de notes

__________________________________

[1] Chapitre 19.23. du rapport de l'organisation de l'unité Africaine sur le Rwanda : Rwanda le génocide qu'on aurait pu stopper

  • "Il est important de souligner qu’au moins certaines ONG, scandalisées par les déprédations du Hutu Power et embarrassées par leur propre complicité involontaire, ont effectivement essayé de résoudre leur dilemme. Quinze ONG importantes du nord-Kivu se sont regroupées pour avertir le HCR qu’elles allaient se retirer des camps si des mesures immédiates et décisives n’étaient pas prises pour protéger les réfugiés et le personnel d’intervention. Dans une déclaration commune, ces organismes insistaient sur le fait que ni eux ni le HCR ne pouvaient remplir leur mandat qui était de protéger et d’aider les réfugiés, compte tenu des circonstances. Comme ils le faisaient remarquer, lorsque des travailleurs de l’Aide essayaient d’intervenir au nom des victimes de pratiques discriminatoires, leur propre vie était menacée, menace que ces travailleurs prenaient tous très au sérieux. Malheureusement, cette action commune resta une action isolée et eut peu d’effet. Elle n’entraîna pas de meilleure coordination entre les ONG et, le HCR n’ayant pas fait cause commune avec les 15 organismes, la plupart d’entre eux reprirent leurs activités. Seule l’organisation Médecins Sans Frontières finit par se retirer, déclarant qu’elle faisait plus de mal en venant en aide aux génocidaires qu’en apportant de l’aide aux vrais réfugiés."

[2] Références dans mon article : La surmortalité au Congo - Une étude de l' ADRASS

[3] En route pour le milliard , film long métrage de Dieudo Hamadi (09/2021)

[4] Références dans mon article : France / RDC / Rwanda : Le colloque de Védrine au Sénat

[5] L'appel à la guerre contre le Rwanda d'un ancien premier ministre congolais - Le Figaro 23/12/2019

[6] Un étrange et problématique colloque sur l’Afrique des Grands Lacs au Sénat - La Croix 8 mars 2020

[7] A propos du rapport Mapping 
Site internet de la Commission d'enquête citoyenne

*En relisant cet article le 8 mars 2023, je ne peux que constater à quel point les relations entre la RDC et le Rwanda ont évolué. Le président de la RDC a littéralement tourné sa veste et cédé les pas à la propagande anti-Rwanda. Un Congolais qui suit de près la poltique de son pays m'a expliqué que c'est à cause des élections présidentielles. Ce retournement correspondrait donc à une position démagogique.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

L’Institut François-Mitterrand dans Le Point ... sur le révisionnisme

Génocide des Tutsi du Rwanda : la France n'est-t-elle pas coupable ?

Du Rwanda au Congo, les surenchères des diplomaties occidentales contre la vérité