Rwanda : une journaliste française réputée face à la justice
La journaliste Natacha Polony est devant la justice pour avoir déclaré sur France Inter à propos du génocide des Tutsi : "on avait des salauds face à d'autres salauds".
Le procès a débuté le 2 mars et se poursuivra le 3 mars.
Ce procès est celui d'un relativisme verbal si cher à ceux qui refusent de prendre en compte les responsabilités "lourdes et accablantes" des autorités françaises dans le génocide des Tutsi. Il leur faut à tout prix diaboliser le FPR, front patriotique rwandais actuellement au pouvoir depuis la fin du génocide des Tutsi, pour le rendre plus criminel que les auteurs du génocide des Tutsi et justifier ainsi le soutien de la France aux génocidaires rwandais.
Derrière la formule "on avait des salauds face à d'autres salauds " il y a la volonté de ranger le FPR comme une organisation génocidaire, aussi génocidaire que les génocidaires Hutupower, ce qui est formellement démenti dans les faits. Aujourd'hui, au Rwanda, si les cartes d'identité ethniques avaient été malheureusement maintenues, on verrait que la très grande majorité de la population aurait toujours une carte cochée Hutu. Le FPR n'a donc pas cherché à exterminer les Hutu. Les Rwandais étaient 7 millions au moment du génocide, ils approchent aujourd'hui les 13 millions.
Le FPR s'est battu contre les génocidaires Hutupower, terme, Hutupower, qui fut lancé par les génocidaires eux-mêmes. Ce fut donc de ce point de vue une guerre civile. Mais en se battant contre la République Hutu, le FPR chercha dans un premier temps à combattre l'exclusion des Tutsi de la société rwandaise.
C'est factuel, les Tutsi réfugiés dans les pays limitrophes étaient refusés d'entrer dans le pays et les Tutsi de l’intérieur ne bénéficiaient pas comme certains le racontent d'une situation enviable sous le dictateur Habyarimana arrivé au pouvoir par un coup d’État en 1973. Ils devaient souvent ruser pour faire des études à cause d'un quota fixé arbitrairement à 10% de Tutsi, ils entraient rarement dans la fonction publique et surtout les crimes commis contre les Tutsi étaient rarement punis.
Dans un deuxième temps, à partir du déclenchement du génocide, le FPR a poursuivi les génocidaires Hutupower pour arrêter le génocide. Il y a eu certainement des exécutions sommaires et des massacres dans cette chasse aux criminels génocidaires1, mais le FPR était seul à appliquer la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. La France a totalement ignoré au Rwanda ce que signifiait cette convention de 1948 adoptée à Paris le 9 décembre 1948, prévention et répression du crime de génocide. Le rapport Duclert a clairement montré qu'elle a apporté un soutien sans faille aux génocidaires Hutupower
La phrase de Natacha Polony, directrice de la rédaction de l'hebdomadaire Marianne2, s'inscrit donc dans le négationnisme de l'implication française au Rwanda. Ce n'est pas un négationnisme frontal du génocide des Tutsi, mais c'est un négationnisme qui veut rendre audible le soutien français aux génocidaires rwandais. C'est inacceptable.
La Convention de 1948 prévoit le cas des complices des génocidaires. Jusqu'à preuve du contraire, quand on fournit des armes à des criminels dont on sait clairement qu'ils veulent accomplir un génocide, quand on abrite à l'ambassade de France la formation d'un gouvernement dont les 2/3 des ministres furent condamnés pour génocide au Tribunal pénal international pour le Rwanda, quand on est le seul pays à accueillir des membres de ce gouvernement (à l’Élysée et au quai d'Orsay) pendant le génocide, quand on les soutient dans les instances internationales à l'ONU, quand on informatise leur fichier des personnes à rechercher et à surveiller3, quand on continue d'armer les génocidaires, pendant et même après le génocide, on est clairement complice selon la loi, même si les autorités françaises n'ont pas partagé l'intention de génocide, qu'elles connaissaient depuis 4 ans, et n'ont pas participé directement au génocide.
Le refus de reconnaître les autorités françaises comme effectivement complices dans le génocide des Tutsi fait partie de ce négationnisme du génocide des Tutsi. Ce crime de complicité dans un génocide est imprescriptible depuis 1948. Cette imprescriptibilité n'a jamais été remise en cause depuis 70 ans. Tous ceux qui sont sur la ligne de cette phrase désastreuse devraient être condamnés pour encouragement à l'impunité dans un crime de génocide.... si la justice française était cohérente avec nos lois, avec les faits et avec nos engagements internationaux. Jusqu'à ce jour, elle s'est le plus souvent montrée incohérente à ce sujet.
- 1 Les accusations de crimes contre le FPR
page internet, que j'ai créée en 2003 et maintenue jusqu'en 2010, où se trouve ce que j'ai pu relever au sujet du FPR. - 2 On ne doit pas oublier non plus que les propos litigieux furent exprimés dans une émission dont le sujet était le rôle de la France au Rwanda et que la directrice de la rédaction de l'hebdomadaire Marianne a pris ses fonctions dans un hebdomadaire qui s’était illustré par une lutte acharnée pour imposer les thèses révisionnistes, négationnistes (double-génocide) et fausses de Pierre Péan pour la défense de la politique des autorités française au Rwanda, et que sous sa direction ce sont les thèses de Judi Rever, révisionnistes, négationnistes (double génocide) et complotistes contre les Tutsi qui furent défendues.
- 3
Cet aspect, l'informatisation, par la gendarmerie française, du fichier
PRAS du fichier central de la gendarmerie rwandaise est totalement
ignoré par le rapport Duclert, dont on sait qu'il n'a pas eu accès à
toutes les archives. Voir mes autres articles à ce sujet :
- Rwanda : les circonspections françaises oublieuses et inconséquentes
- Génocide des Tutsi du Rwanda : la France n'est-t-elle pas coupable ?
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