L’Institut François-Mitterrand dans Le Point ... sur le révisionnisme

L'hebdomadaire Le Point avait publié le 11 janvier 2024 une interview de l’historien Vincent Duclert dans le dossier « Rwanda, genèse et leçons d’un génocide ». Le Point publie en réponse une lettre du président de l’Institut François-Mitterrand ainsi que la réponse de Vincent Duclert.

L'article du Point publié le 23 février 2024 : Génocide des Tutsis au Rwanda : Jean Glavany réagit

Dans sa réaction, Jean Glavany s'enfonce dans le superficiel, l'imprécision et l'inexactitude pour tenter de défendre la stratégie française au Rwanda. La réponse de Vincent Duclert en fin d'article à sa "réaction" est cinglante.

Pour reprendre l'expression de Jean Glavany, "les idiots utiles" [de Kagame] dont nous devinons qu'il nous met dans ce sac, les "idiots utiles" de François Mitterrand tentent de sauver leur idole. Mais pour cela, ils évitent de se confronter à la force des faits. Ils inventent des critiques formelles, sans soucis d'être toujours factuels.

Je relève particulièrement ceci des propos de Jean Glavany :

[reproche à Vincent Duclert] : "L'effacement des accords d'Arusha : après la première intervention française en 1990, à la demande du gouvernement légitime du Rwanda, la France fait pression pour imposer un compromis politique, seule solution à la violence endémique : d'où ces accords d'août 1993 sur le partage du pouvoir entre Hutus et Tutsis. Les minimiser, c'est nier l'évidence : la France a tout fait pour éviter la violence par un accord politique."

On retrouve dans ce passage la griffe aveuglante d'Hubert Védrine.

"à la demande du gouvernement légitime du Rwanda" Le président Habyarimana était arrivé au pouvoir par un coup d'état en 1973, puis a gouverné avec un parti unique et obligatoire. Tout Rwandais qui naissait en faisait d'office partie. Les élections dans ce contexte étaient une mascarade. Bizarrement, Jean Glavany ne rappelle pas que sous l'influence du discours de François Mitterrand  à La Baule (1990), Habyarimana, à la fin de son règne, fut incité à développer à partir de 1991 le multipartisme. Mais les nouveaux partis furent rapidement traversés transversalement par le courant Hutu power et le développement de leurs milices qui les divisa et déboucha sur le génocide des Tutsi, anti-thèse par essence de la démocratie. Un échec exponentiel de la politique de François Mitterrand. On n'impose pas la démocratie de l'extérieur à un peuple.

A cette "demande" rwandaise, Jean Glavany  prétend que la France a répondu en imposant "un compromis politique, seule solution à la violence endémique". Il veut parler des accords sur le partage du pouvoir. La réalité des faits montre que c'est paradoxal. En fait, ce compromis n'était qu'une façade car la France n'a pas respecté les accords d'Arusha.

Quels sont ces faits ? Le premier accord d'Arusha, il y en eu cinq, contenait dans son article 2 un embargo sur les armes dès le 12 juillet 1992, et la France à continué les livraisons d'armes, y compris pendant le génocide, et même après le génocide aux forces pourtant reconnues internationalement comme génocidaires. Il imposait à "toutes les troupes étrangères" de quitter le Rwanda dès la mise en place d'un groupe observateurs militaires neutres. Ce groupe fut mis en place le 11 août 1992 selon RFI. L'armée française est restée encore 15 mois au Rwanda. Pire elle a répondu favorablement et immédiatement, dès août 1992, à une demande du gouvernement illégitime de contourner l'accord en transformant des militaires français en coopérants par un avenant qui étendait à l'armée l'accord pour la formation de la gendarmerie de 1975. En effet, les coopérants militaires pour la formation de la gendarmerie rwandaise n'étaient pas concernés par  l'article 2 de l'accord du 12 juillet 1992.

D'autres points de l’accord furent également piétinés par la France. Était-ce une manière concrète "d'imposer un compromis" au gouvernement rwandais ? Habyarimana ne s'y est pas trompé en qualifiant les premiers accords d'Arusha de "chiffons de papier" fin 1992, il était dans la droite ligne du comportement des autorités françaises.1

Comme toujours les négationnistes ou révisionnistes de l'implication française dans le génocide des Tutsi cachent la signature du premier accord d'Arusha (12 juillet 1992) derrière la date de signature du dernier des cinq accords le 4 août 1993. Jean Glavany est-il rigoureux en traitant les événements à la louche chronologique et factuelle, et en masquant les graves manquements de la France dans l'application de ces accords de paix ?

Si ce n’est pas du négationnisme, c'est au minimum du révisionnisme.

Alors j'en viens à la fin de la citation : Les minimiser [les accords sur le partage du pouvoir], c'est nier l'évidence : la France a tout fait pour éviter la violence par un accord politique.". C'est le seul point qui peut être discuté. Le FPR a même remercié la France sur ce point, sans doute par esprit diplomatique, et le régime génocidaire a tout fait pour ne pas le mettre en œuvre jusqu'à la veille du génocide des Tutsi. Mais la mauvaise foi du comportement stratégique français a renforcé ce refus Hutu power de respecter les accords d'Arusha. 

C'est par la multiplication de comportements de ce genre que "le génocide qui aurait pu être évité" a quand même été conduit.

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1 Le "chiffon de papier", du premier accord d'Arusha à la rébellion des autorités de la France au Rwanda 2008 - CEC - Leurs multiples refus de respecter les accords de cessez-le-feu et les fondements de leur complicité dans le génocide des Tutsi version 5 - 9 décembre 2008

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