Soutien aux génocidaires rwandais, H.Védrine a aussi ses "détails" de l'histoire

Hubert Védrine refuse l'évidence des faits. On appelle cela le déni. Il confond ce que prétendent avoir fait les stratèges français et les actions qui en ont concrètement découlé sur le terrain. Il qualifie de "détail", et ce n'est pas la première fois, ce qu'il ne veut pas admettre. Ci-dessous un article témoignage de Guillaume Ancel paru sur son blog en 2019, puis une vidéo interview d'HV.

 

    Rappelons que de la gauche à la droite tout le monde reconnait peu ou prou les conclusions du rapport Duclert, mais personne n'en tire l'exigence que s'il y a des responsabilités "lourdes et accablantes", il est impératif  que les responsables impliqués soient mis en examen. Il s'agit de complicité de génocide, c'est donc imprescriptible.

    Pendant ce temps la campagne présidentielle sombre dans la surenchère sécuritaire et dénonce l'impunité contre les immigrés fautifs qui ne sont même pas suspectés d'être complices de génocide. "la prison, puis l'avion". "C'est pas moi, c'est l'autre" : moralité de cours de récréation. Ces candidats sont d'une inconséquence puérile qui plonge la France dans le désastre qu'ils dénoncent. L'impunité zéro est pour tout le monde, surtout quand il s'agit de crimes commis à l'étranger "au nom de la France".

    Le lieutenant-colonel Guillaume Ancel est attaqué en diffamation par Hubert Védrine0. Je reprends intégralement un billet de Guillaume Ancel de 2019, qu'il a mis à jour récemment. Donner tort à Guillaume Ancel sur le fond serait purement négationniste. 

    Guillaume Ancel écrit 1:

    • "[mis à jour en décembre 2021]
    • Je crois que je n’aurais pas aimé rencontrer trop souvent Hubert Védrine tant j’apprécie mal les décideurs politiques qui sont incapables de reconnaître la réalité et, plus encore, leur responsabilité.
    • Le rôle clef de l’Elysée dans le soutien au gouvernement rwandais qui commet le génocide
    • Hubert Védrine était le secrétaire général de l’Elysée du président François Mitterrand lorsque celui-ci décida d’engager la France dans une guerre au Rwanda contre les Tutsi qui allait nous amener à soutenir de fait les derniers génocidaires du XXème siècle.
      Cela commença par la formation et l’engagement au combat aux côtés de l’armée gouvernementale, exclusivement hutu, alors même qu’elle affichait sans scrupules ses intentions criminelles2.
    • L’Elysée devait aussi décider de livraisons d’armes qui continuèrent quand les extrémistes hutu s’emparèrent du pouvoir3 le 7 avril 1994 en assassinant le président Habyarimana parce que ce dernier avait accepté de faire la paix avec leurs ennemis. Et tant pis si ce nouveau « gouvernement » faisait exploser les accords de paix d’Arusha que Paris prétendait avoir soutenus.
    • Les extrémistes hutu au pouvoir à Kigali déploient leur solution finale, un génocide implacable qui mobilise plus d’un million de tueurs pour exterminer ceux qu’ils qualifient de cafards. La DGSE en informe méthodiquement Paris, mais l’Elysée continue à soutenir ce gouvernement allié jusqu’à déclencher une intervention militaire, l’opération Turquoise, pour essayer de les remettre en place quand ils perdent pied face aux soldats du FPR4.
    • Faute d’y parvenir et toujours en s’abritant derrière un paravent humanitaire, l’intervention militaire française, pilotée par l’Elysée, protège la fuite de ses alliés génocidaires vers le Zaïre5, pour qu’ils puissent continuer leur « résistance » après avoir massacré un million de Tutsi (hommes, femmes, enfants, bébés, vieillards) en trois mois et dix jours.
    • Mais il ne s’agirait que de « détails » dans l’esprit d’Hubert Védrine, secrétaire général de l’Elysée
    • C’est ce que j’ai en tête quand j’aperçois Hubert Védrine, l’homme sans qui rien ne pouvait se faire à l’Elysée, mais qui préfèrerait être oublié lorsque le sujet du rôle de la France dans le génocide des Tutsi est abordé.
    • J’ai relaté cette rencontre dans mon témoignage Rwanda, la fin du silence :
    • «  La Rochelle, Charente-Maritime (sud-ouest de la France). Samedi 30 août 2014
      […]
      En quittant les lieux, nous tombons nez à nez avec Hubert Védrine, qui dédicace son dernier livre dans le hall d’entrée du centre de conférences. Accompagné de quelques participants au débat, j’essaie d’accéder à l’ancien secrétaire général de l’Élysée.
      Hubert Védrine me demande pour qui il doit dédicacer son livre. Je propose plutôt de lui offrir mon roman, Vents sombres sur le lac Kivu, avec une dédicace adaptée au rôle central qu’il a joué dans cette crise…
      Je ne m’attendais pas à ce qu’il appelle la sécurité, mais je suis tout de même étonné par sa réaction : souriant, sûr de lui, c’est un sémillant ancien ministre des Affaires étrangères qui me répond, nullement décontenancé de se retrouver face à l’un de ceux qui affirment que sa version officielle de l’opération Turquoise est une fable.
    • Hubert Védrine me remercie même de ce livre qu’il lira avec intérêt… et m’explique « qu’ils ont tout fait à l’époque pour amener les deux parties à négocier ».
      Son analyse, raccourcie mais pleine de conviction, m’interpelle. La volonté d’amener les deux parties à négocier expliquerait-elle les actions auxquelles j’ai participé et qu’il s’évertue pourtant à nier ?
      Je lui demande si cela justifiait d’aller se battre contre le FPR, comme j’en ai reçu l’ordre le 30 juin, en pleine crise de Bisesero, au 83e jour du génocide.
      Mon interlocuteur est un peu moins à l’aise. Il me répond « qu’il n’est pas au courant des détails ».
      – Est-ce un détail d’avoir fait livrer des armes en pleine mission humanitaire à des forces qui venaient de commettre un génocide, comme j’en ai été témoin en juillet 1994 ?
      La conversation se brise. Il penche la tête de côté pour rechercher d’éventuels lecteurs en attente d’une dédicace mais il ne trouve qu’une militante socialiste pour lui demander s’il accepterait une commission d’enquête sur le sujet.
      Alors Hubert Védrine se fige,
      – Je refuse de répondre à cette question, et il met fin aussitôt à notre discussion. »6
    • Ce qui me frappe, aujourd’hui plus que jamais, c’est l’arrogance de son comportement quand il est prouvé qu’il avait été parfaitement informé de la réalité de l’engagement de l’Elysée7 et qu’il essaye encore d’inverser les responsabilités dans le génocide des Tutsi.
    • Mais ce sont ses mots qui m’ont le plus choqué, lorsqu’il a utilisé cette notion de « détails » pour parler de ces faits qui touchent pourtant au crime des crimes : « Je ne suis pas au courant des détails ».
      Comme s’il y avait des détails dans un génocide, comme s’il s’agissait d’un détail d’avoir soutenu des génocidaires."

    Fin de l’article de Guillaume Ancel.

    Dans la vidéo ci-dessous, Hubert Védrine veut une "question d'intérêt global d'interprétation" dès qu'on lui parle de l'opération Amaryllis, donc pas de "détail",  en réponse à un journaliste qui l'interpelle, puis il réfute agacé sa question documentée, accusant le journaliste de défendre une "thèse de procureur" :

    Il s'agit d'une question à propos d'un passage du rapport Poncet concernant l'opération Amarylis, opération militaire française d'intervention au Rwanda dans les premiers jours du génocide, pour évacuer les étrangers8. Voici ce passage particulièrement grave (j'ai mis en gras le plus grave):

    • « La communication »
      Les médias ont étés très présents dés le deuxième jour de l'opération. Le COMOPS a facilité leur travail en leur faisant deux points de presse quotidiens et en les aidants dans leurs déplacements mais avec un soucis permanent de ne pas leur montrer des soldats français limitant l'accès aux centres de regroupement aux seuls étrangers sur le territoire du Rwanda (Directive N° 008/DEF/EMA du 10 avril [1994]) ou n'intervenant pas pour faire cesser des massacres dont ils étaient les témoins proches. Il est toutefois permis de noter le désintérêt du correspondant du Figaro pour l'action des éléments français, au profit du seul détachement belge. »

    Le journaliste, qui interview HV dans la vidéo qui suit, Serge Farnel, avait été deux mois plus tard convoqué par la DGSI à cause de ce rapport. De mon côté, j'avais dû quinze jours après retirer ce rapport "confidentiel défense" du site de la commission d'enquête citoyenne (CEC) sous la contrainte de la DGSI en 2009, comme Jean Dominique Merchet avait dû le retirer de son site secret défense9. Je m'étais même engagé par écrit à ne pas le republier. Depuis il y a eu le rapport Duclert et "l'ouverture des archives" et je me considère donc délié de cet engagement écrit sous la contrainte de menaces de poursuites judiciaires à une époque où j'aurais été dans l'impossibilité de l'assumer. La CEC avait publié un communiqué à cette occasion qui montrait que le texte compromettant de ce document était quasiment copié collé dans le rapport des députés de 1998, sans donner son origine, à l'exception de la référence de la directive militaire qui était probablement "secret défense" 10.

    Ecouter Hubert Védrine dans cette vidéo.

    Védrine Rwanda omerta © Genocide made in France

    Ce refus de l'armée que des soldats français d'Amaryllis portent secours à des Tutsi massacrés sous leurs yeux, qu'on doit cacher aux journalistes, est clairement "une question d'intérêt global d'interprétation". Il s'agit de laisser s'accomplir le génocide, d'autant plus que l'ordre d' opération  de l’opération Amaryllis du 8 avril 1994 décrit clairement la situation  et l’identité des victimes des massacres dès le lendemain du début du génocide11  : "ARRESTATION ET ÉLIMINATION DES OPPOSANTS ET DES TUTSI". Cela s'appelle complicité dans le génocide des Tutsi et dans les massacres des opposants Hutu. Ceux qui ne veulent pas qu'on en parle risquent de devenir "complices de l'inavouable"12, selon le "correspondant du Figaro", soucieux de son intégrité professionnelle, qui refusait de se laisser materner par le "COMOPS" de l'armée.

    Illustration 2

    Introduction de l'ordre d'Oparation de l'opération Amaryllis © Etat-major de l'armée française

          0 Génocide au Rwanda: Hubert Védrine poursuit l'ex-officier Guillaume Ancel pour diffamation RFI - 4 décembre 2021

    1. Soutien de l’Elysée aux génocidaires du Rwanda, Hubert Védrine n’est pas au courant « des détails » Ne pas subir de Guillaume Ancel
    2. 1990-1994, l’Elysée faisait entrer la France en guerre au Rwanda, contre le FPR qu’elle assimilait aux Tutsi Ancel, Ne pas subir 2019
    3. Rwanda : préparation des milices, guerre insurrectionnelle et livraisons d’armes, « coopération technique » de la France. Ancel, Ne pas subir 2019
    4. Remettre au pouvoir le gouvernement génocidaire du Rwanda, intention cachée de l’opération Turquoise ? Ancel, Ne pas subir 2019
    5. A l’abri de Turquoise, le gouvernement génocidaire du Rwanda s’échappe pour poursuivre la « résistance » Ancel, Ne pas subir 2019
    6. Extrait de Rwanda, la fin silence, les Belles Lettres, collection Mémoires de guerre, Paris, 2018
    7. Rwanda : Hubert Védrine, l’homme qui ne doute de rien Ancel, Ne pas subir 2019
    8. Rapport Poncet concernant l'opération Amaryllis (avril 1994). Le colonel Poncet commandait l'opération Amaryllis. Cette opération de quelques jours (8 avril à 12-13 avril 1994) évacua des occidentaux, des membres de la famille Habyarimana et, au sens très large (300 personnes), leurs proches.
      Voir aussi rapport Duclert pages 385- 386
    9. Site Secret défense
    10. Censure par la GSI de la publication du rapport Poncet sur l'opération Amaryllis- L’Etat dissimule des preuves de complicité dans le génocide des Tutsi - Communiqué de la commission d'enquête citoyenne du 4 février 2009
    11.  Ordre d'opération d'Amaryllis 8 avril 1994
    12.  de SAINT-EXUPERY Patrick, Complices de l'Inavouable, la France au Rwanda, Les arènes, 2009

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

L’Institut François-Mitterrand dans Le Point ... sur le révisionnisme

Génocide des Tutsi du Rwanda : la France n'est-t-elle pas coupable ?

Du Rwanda au Congo, les surenchères des diplomaties occidentales contre la vérité