Rwanda, Bisesero : quand on ne veut pas chercher, on ne trouve rien

Sous ce titre, l'Association Survie explique pourquoi elle fait appel de la dernière décision de la justice française sur la non intervention de l'armée à Bisesero au Rwanda pour protéger des Tutsi en juin 1994, alors que c'était la mission du mandat de l'ONU qui régissait l'opération Turquoise, dite "humanitaire".

Début juin dernier1  une relance de l'instruction à l'initiative du juge d'instruction avait relancé l'enquête sur la non intervention militaire de l'opération Turquoise pour protéger les Tutsi de Bisesero du 27 au 30 juin 1994, en tenant compte du rapport Duclert. La décision est tombée le 7 septembre 2022, non lieu confirmé.

Lire en bas du communiqué de Survie les "précisions" intitulées "Quelques exemples du refus des juges de tenir compte des faits" qui montrent la mauvaise foi incommensurable qui inspira cette décision2.

Un faux espoir fut suscité par cette relance de l'instruction. A travers ces précisions de Survie, on voit bien aujourd'hui qu'il s'agissait d'une simple précaution politique pour protéger l’État-major de l’armée de l'époque. Il fallait en fait neutraliser des informations issues du rapport Duclert sur cette affaire. Il faut être clair, c'est une malhonnêteté.

En France, des magistrats acceptent donc de se laisser instrumentaliser.  La Justice cale de toute évidence devant les exigences du pouvoir exécutif et notamment devant celles de son armée. Les militaires les plus impliqués dans cette affaire du Rwanda ne cessent d'affirmer que la justice rwandaise serait aux ordres. Ils feraient mieux de respecter l'indépendance de la justice française.

Survie fait appel à juste titre de la décision de non lieu qui vient d'être confirmée. Comme le met en exergue Mediapart, la décision exprime : « Il ne ressort de manière crédible d’aucune des 16 379 pièces de l’information judiciaire une intention des militaires français de faciliter la commission de crimes sur les civils tutsis. »3. Mais on a de multiples preuves que l'Etat-major était bien informé, de même que les 5 officiers de terrain entendus comme témoins assistés, et qu'il ont fait la sourde oreille devant une des situations qui justifiait pleinement la résolution 929 du conseil de sécurité de l'ONU, au titre du chapitre VII, et celles auxquelles elle renvoie.

A mon sens, il est une fois de plus démontré qu'il est impossible de faire confiance à notre justice. La Cour d'appel réparera-t-elle ce déni de justice ? On peut en douter ! De toute évidence, les officiers de l'état-major de notre armée ont le pouvoir de refuser de se soumettre à la justice française, et  d'empêcher qu'ils soient entendus dans cette affaire, comme le demandent les avocats de l'association Survie.

Monsieur Macron, s'il ne s'agit pas d'un calcul politique de votre part, qui est le chef ? C'est en effet une menace pour notre démocratie. Ce type de problème devrait être à l'ordre du jour du Conseil national de la refondation . Si ce projet est sérieux.

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1 - Cf. article de Mediapart du 12 juillet 2022 : Génocide des Tutsis du Rwanda : l’enquête sur le massacre de Bisesero est relancée

2 - Lire le communiqué de Survie et ses "précisions" sur le site de l'association Survie

3 - Massacre de Bisesero au Rwanda : les raisons d’un non-lieu en faveur des militaires français (Fabrice Arfi, Mediapart)

 

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