Un présumé génocidaire rwandais complète le puzzle de l'implication française

L'actualité récente a rappelé la présence en France d'un présumé génocidaire, ancien chef du renseignement militaire rwandais pendant le génocide des Tutsi à cause d'une plainte qu'il a déposée pour injure. Sa présence en France et cette démarche judiciaire soulèvent beaucoup de questions.

Vous trouverez mes sources dans les articles auxquelles les notes renvoient

Considérez un présumé génocidaire, ancien colonel, commandant de la gendarmerie rwandaise à Kigali puis chef du renseignement militaire des Forces armées rwandaises (FAR) du régime génocidaire rwandais, recherché initialement par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), fondateur en République démocratique du Congo (RDC) des sulfureuses Forces démocratique de libération du Rwanda (FDLR) (alluvions des génocidaires rwandais qui importèrent les méthodes génocidaires dans le Kivu au Congo), signalé ensuite comme se planquant en Afrique, ou mort, puis, soudainement, localisé à Orléans en France selon un article de Médiapart en 2020.

Une journaliste de Libération, Maria Malagardis, a tweeté "Un nazi africain en France ? Quelqu’un va réagir ?" ?

Je nomme ici ce monsieur "CRM", initiales de sa fonction pendant le génocide. CRM a porté plainte pour "injure publique" contre la journaliste.

Après la parution de l'article de Mediapart, et du tweet incriminé, CRM est poursuivi par le Rwanda, il fait l'objet d'une « fiche Interpol »1, d'une enquête de la justice française, comme "témoin assisté", puis est poursuivi par une plainte du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), et d'autre part refusé par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) selon Theo Englebert dans Médiapart le 12 février 2022 :

  • "Le 17 août 2020, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) a rejeté la demande d’asile de[CRM] au bout de six mois d’instruction, estimant qu’il existait des raisons sérieuses de penser que le colonel se serait rendu coupable à la fois de « crime contre l’humanité », mais également de « crimes de guerre » pendant mais aussi après le génocide des Tutsis de 1994.La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a confirmé ce refus à l’issue d’une audience à huis clos en septembre 2021."

Quelques questions que soulèvent la présence de CRM en France et cette démarche judiciaire contre toute éthique

Je trouve révoltant que cette configuration judiciaire soit tolérée de façon aussi caricaturale. Cela manque de décence de la part du parquet. Cela reflète au sein de l’Etat français un certain négationnisme rampant et une partialité radicalement excessive. A-t-on déjà oublié le rapport Duclert, qui n’a pourtant pas pu traiter certains aspects très graves de notre politique au Rwanda, mais rappelant les « responsabilités lourdes et accablantes » de la France au Rwanda ? Dans l’État français cherche-t-on à minimiser et à rattraper les avancées de ce rapport ? Toutes les affaires de justice franco-Rwandaises semblent obérées par cet état d’esprit franco-français/ancien régime génocidaire rwandais qui semble perdurer dans la haute administration, dans l'armée et la gendarmerie, et certains médias, sans parler des boute-feu militaristes qui n'y connaissent rien sur les réseaux sociaux et répètent les poncifs pondus par les "élites" de ce négationnisme.

Pour vous donner une idée de cette propagande, j'ai entendu une présidente de Cour d'appel en 2019 parler du président Kagame en prononçant la fin de son nom comme mad"ame". Preuve qu'elle ne connaissait rien du Rwanda. Qui plus est, elle affirmait dans son introduction que le "président Kag"ame" est un grand criminel"... Aucune décision de justice permet d'affirmer cela dans une chambre de cour d'appel. Aucune présomption d'innocence respectée par un magistrat. Elle est à sens unique en France, preuve supplémentaire que la propagande fait des ravages au sein de l'administration française.

On peut aussi remarquer que cette plainte de CRM est traitée beaucoup plus rapidement par la justice que des accusations autrement plus graves de participation au génocide qui peuvent durer plus de quinze ans en France ou de complicités françaises dans le génocide des Tutsi qui jusqu'ici ont toujours été purement et simplement évacuées. C'est un curieux sens des hiérarchies dans la gravité des présomptions qui règne dans les hautes sphères juridiques en France. On traite la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l'assemblée générale de l'ONU à Paris en 1948, comme si c'était "un chiffon de papier", expression utilisée par Habyarimana pour parler de sa considération pour les accords d'Arusha.

Selon  Le Figaro du 20 janvier 2023, CRM est "témoin assisté" dans l'enquête ouverte à la suite de la révélation de sa présence en France par Mediapart. Ce choix de placer CRM comme "témoin assisté" est surprenant, mais j’imagine qu’il peut évoluer… ou alors il est encore mieux protégé que nous ne l’imaginons. Le refus de la justice française de le mettre en examen dans cette enquête, dont il est pourtant l'objet officiel, me choquera toujours. La constatation de l’engagement avéré de cet ancien haut responsable rwandais dans un régime dont le caractère génocidaire est tout aussi avéré aurait logiquement dû conduire à une mise en examen. Cela pose question. Qu'est-ce qui a retenu le juge d'instruction ? On peut d'ailleurs constater que des responsables militaires français qui, selon toute logique, auraient dû être mis en examen dans d'autres affaires concernant le Rwanda, furent traités avec la même mansuétude.

Il semble que si CRM est passé à côté de bien des radars, c'est en raison de son habileté à dissimuler ses traces dès la commission des actes qui lui sont reprochés. Mais il me semble qu'il a aussi pu être aidé par de mystérieux "protecteurs" qui avaient intérêt à le protéger et qui peut-être ont décidé de le lâcher en suggérant sa piste à Theo Englebert (les journalistes tiennent au secret de leurs sources), sans doute pour protéger d'autres acteurs, de toute évidence français à priori.

On peut penser que cette plainte pour injure publique de CRM pourrait être une instrumentalisation de la justice aux fins d’une stratégie judiciaire marginale à ce procès, peut-être inspirée par des conseillers (français ?) qui y trouveraient leur compte sur son dos.

Marginalement, on peut constater que Pierre Péan préféra l’expression de "Noires fureurs" à celle de "Nazi africain", un peu sur l’air d’un "y’a bon Banania" appliqué à l’horreur. En choisissant "Noires fureurs" il semble penser que pour être Nazi il faudrait être intelligent comme un blanc. Des fureurs qui seraient excusables à cause des "blancs menteurs". Pierre Péan devait bien excuser les alliés de la France ! Les vrais "blancs menteurs" ne sont pas ceux qu'il dit quand on analyse la propagande française.

A ce sujet, tous les Nazis n’officiaient pas dans les chambres à gaz, mais ils étaient tous solidaires du régime. Être « Nazi », c’est la reconnaissance d’une adhésion à une politique, qui est aussi devenue péjorative par sa terrible réputation avérée de xénophobie exterminatrice, comme dans le génocide des Tutsi du Rwanda. Le caractère Nazi du régime génocidaire rwandais est, sans contestation possible dans le registre rationnel, solidement documenté par des historiens, comme l’a fait par exemple l’historien Jean-Pierre Chrétien dès le 26 avril 1994 dans le journal Libération ou comme l’ont analysé d'autres historiens, certains sont allemands, ou comme c'est rappelé dans des mémoriaux de la Shoah et du génocide des Tutsi, je l'ai encore constaté il y a un mois à Kigali. On est nazi, comme on est socialiste, gaulliste, communiste, de gauche ou de droite ! C'est un choix politique qui certes est devenu péjoratif par la force de l'histoire, mais qui a encore des adeptes, parfois même décomplexés.

Les deux plus lourdes questions que pose la présence de CRM en France

Selon l’article de Théo Englebert dans Mediapart1, l'acte d'accusation du TPIR reprochait à CRM d'avoir, entre autre, établi des listes d'ennemis : 

  • "Le G2 dresse la liste des « ennemis » définis comme « le Tutsi de l’intérieur et de l’extérieur », mais également des opposants ou des personnes considérées comme trop modérées. Le procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda attribue la paternité de ces listes à [CRM].

L'expression "le Tutsi de l’intérieur et de l’extérieur" est directement reprise de la définition de l'ennemi publiée en septembre 1992 par l'armée rwandaise : "L'ennemi principal est le tutsi de l'intérieur ou de l'extérieur..." suivent une douzaine de pages de critères et d'analyses qui caractérisent finalement tous les Tutsi comme ennemis. Tous les Rwandais, quelques soient leurs cartes d'identité, Hutu, Tutsi et Twa, le comprirent ainsi à l'époque. On peut en déduire que ce furent des listes pour tuer des Tutsi et donc des listes génocidaires, puisque ces définitions de l'ennemi recoupent exactement les cibles des génocidaires à partir du 7 avril 1994. Pourtant, un officier de gendarmerie français, ancien coopérant au Rwanda, dans son témoignage en France au procès de Simbikangwa dont CRM était le patron, a affirmé qu'il avait étudié soigneusement cette définition de l'ennemi à l'époque et qu'il n'y avait rien vu de troublant. On voit jusqu'où est allé "l'aveuglement français". C'est consternant.

Commandant de la gendarmerie de Kigali jusqu'en juin 1993, CRM est ensuite devenu chef du renseignement militaire de l’armée rwandaise. Il connaissait donc certainement l'organisme "Fichier central" de la gendarmerie rwandaise, rebaptisé Centre de recherche criminelle et de documentation (CRCD) par la mission de gendarmerie française et évoqué souvent sous le terme de "criminologie" par les Rwandais. Dans cet organisme, était notamment géré le fichier des Personnes à Rechercher et A Surveiller (fichier PRAS), dont la livraison informatique de sa version rwandaise en fiches cartonnées par cette mission française de gendarmerie date du 14 octobre 1992. Dans les rapports militaires français de l'époque, il apparait que cette informatisation du "Fichier central / CRCD" fut partielle2. Le fichier central comportait en effet 4 ou 5 fichiers à informatiser et seule l'informatisation du fichier PRAS fut effectivement mise à la disposition de la gendarmerie rwandaise. On devine ainsi qu'elles étaient les priorités de l’État-major français. Le terme CRCD et l'informatisation sont restés ignorés du rapport Duclert en 2021, comme du rapport de nos députés en 1998. Il n'en reste que ce que le général Varret a dit de la mission de police judiciaire.

Ayant été attaqué en diffamation par un colonel de gendarmerie français, ancien coopérant au Rwanda qui avait été responsable de la mission de gendarmerie ayant procédé à l'informatisation du fichier PRAS, j'étais allé au Rwanda en 2019 pour obtenir plus d'informations à ce sujet que dans le rapport Mucyo3. J'ai pu rencontrer au Rwanda trois ou quatre gendarmes rwandais qui officiaient à l'époque dans cet organisme rebaptisé par les Français. Tous m'ont confirmé qu'on inscrivait dans le fichier PRAS des Tutsi, notamment les familles de ceux qui étaient soupçonnés d'avoir rejoint le FPR. Ils m'ont aussi confirmé que certains d'entre eux furent formés à l'utilisation de ce fichier informatique pour saisir des informations et interroger son contenu. Il y avait même des photos des suspects qui étaient numérisées. Le responsable de cette mission française a affirmé dans le procès qu'il m'a fait subir qu'il n'y aurait eu que 50 000 noms dans ce fichier, ce qui à ses yeux excluait que ce soit des listes génocidaires puisqu'il y avait eu près d'un million de morts pendant le génocide (!). Cela signifierait que, pour lui, chaque tutsi tué n'est qu'un assassinat. mais que ce serait le nombre d'assassinats de Tutsi qui fait le génocide. Il n'a rien compris ou plus exactement ne veut rien comprendre pour tromper ses interlocuteurs. C'est le ciblage systématique qui caractérise le génocide, ce ciblage peut revêtir plusieurs supports. Dans le cas du génocide des Tutsi, il y eut la radio et la presse de propagande, toutes deux ciblaient nommément des Tutsi, le fichier national PRAS, les cartes d'identité et les fichiers divers constitués par les autorités locales, les unités de gendarmerie et l'armée. Enfin chaque Hutu génocidaire avait sa petite liste en mémoire.

Au procès en appel de Simbikangwa, à Bobigny, le seul jour où j'y suis allé, j'ai entendu le témoignage d'une gendarme rwandaise dont m'ont parlé les gendarmes que j'ai rencontrés à Kigali. Ils m'ont dit qu'elle fut formée par les coopérants français à l'usage du fichier informatique. Cette gendarme était semble-t-il passée à l'Etat-major de la gendarmerie après sa formation au CRCD qui a du avoir lieu avant octobre 19925. Elle a dit, si ma mémoire est bonne, que la frontière entre son service et un autre service de renseignement n'était pas très claire et qu'à plusieurs reprises on a apporté des listes de Tutsi à tuer à l’état-major de la gendarmerie rwandaise, venant de cet autre service de renseignement qui aurait été situé à la présidence si j'ai bien compris. Le président était mort, sa famille réfugiée en France, la maison était vide ou occupée par le président du gouvernement génocidaire, dit "intérimaire "par les Français.

L'un de ces gendarmes m'a affirmé que ce fichier PRAS fut sorti du Fichier central quand les accords d'Arusha attribuèrent le ministère de l'intérieur au Front patriotique rwandais (FPR) dont dépendait la gendarmerie rwandaise, donc après le 9 janvier 19934. C'est en juin 1993 que CRM quitta son poste de commandant de la gendarmerie de Kigali pour devenir chef du renseignement militaire de l’armée rwandaise, selon les sources et aurait constitué ces listes génocidaires, dont on constate qu'elles s'appuient sur les termes de la définition de l'ennemi diffusée en septembre 1992, trois semaines avant la livraison informatique française. Il est donc fort probable que son service ait récupéré le fichier PRAS et de toute façon qu'il ait utilisé le fichier informatisé par les gendarmes français5. Pourquoi s'en serait-il privé ? Le gendarme rwandais m'a aussi affirmé que le fichier PRAS fut emporté au Zaïre dans la débâcle de juillet 1994, chemin qu'il avait également suivi.

CRM était responsable au plus haut niveau, ancien colonel de gendarmerie devenu chef du renseignement militaire rwandais, toujours en exercice pendant le génocide des Tutsi. L’acte d’accusation du TPIR était plus pertinent que la décision de le placer comme "témoin assisté". CRM est notoirement présumé solidaire des acteurs du crime de génocide des Tutsi, dont beaucoup furent condamnés comme tel par ailleurs, voire un de leurs leaders. Arrivera-t-il à démontrer le contraire dans son innocence présumée, artificiellement prolongée par ses cavales, par l’échec de la justice internationale à le coincer, par nos principes constitutionnels sur la présomption d’innocence trop souvent détournée en France comme arme négationniste et par la probable complicité dissimulée de Français concernant  sa présence en France, alors qu’il a été officiellement refusé par la Cour du droit d’asile. La justice française donne l’impression de s’y prendre avec des pincettes pour le juger, comme si elle devait désactiver une bombe particulièrement dangereuse. Il fut probablement formé pas nos gendarmes en vertu d'un accord de coopération pour la formation de la gendarmerie rwandaise par la France. On apprend par ailleurs qu'en tant que fondateur des FDLR il aurait encore eu des relations avec des responsables français qui soutenaient à l'époque les alluvions de l'ancien régime rwandais dans la préparation de leur reconquête du Rwanda depuis le Zaïre. Tout ceci explique peut-être cela.

Il apparait ainsi que CRM est sans statut en France, comme Agathe Kanziga (épouse Habyarimana), dépeinte comme l'égérie de l’Akazu, comme l’était Félicien Kabuga jusqu’à son renvoi devant le « mécanisme résiduel » du TPIR, le financier, notoire mais présumé, du génocide, comme l’est probablement Laurent Serubuga, le chef d’état-major retraité éconduit, dont Habyarimana craignait la concurrence, revenu informellement aux affaires alors que les fumées de l’attentat se dissipaient à peine au-dessus des restes de la carlingue de l’avion, ce que Bagosora annonça au général Dallaire dès le soir du 6 avril 1994. Tous ces sans-papiers, présumés responsables du génocide des Tutsi, se sont planqués en France ou s’y planquent encore avec d’autres. Ils s’invisibilisent car nos autorités font comme s’ils n’étaient pas là, laissant prospérer particulièrement lentement des procédures finalement protectrices au lieu de sanctionner éventuellement des participations à un génocide. Il y a probablement des deals derrière tout cela, voire des chantages à l'encontre des responsables français.

Autre lourde question, comme chef du renseignement militaire des FAR, CRM sait très probablement qui a commis l’attentat du 6 avril 1994. Selon l’ordonnance du juge Bruguière, dont les conclusions furent par ailleurs implicitement désavouées par ses successeurs, CRM en aurait conduit les lances missiles chez Mobutu. Sa connaissance professionnelle probable des ramifications de cet attentat est sans doute une sérieuse monnaie d’échange… une cryptomonnaie d’un autre genre, où le préfixe crypto étend son sens à des réalités plus sordides, des ramifications peut-être accablantes, et donc soigneusement cryptées par de la probable connivence mensongère française, et donc tout autant source possible de corruptions de responsables français. 

En guise de conclusion nécessairement provisoire due à mon statut de simple citoyen

En définitive quand on adhère, sans jamais le remettre en cause, à une idéologie, une entente et une structuration du pouvoir telle que celle qui a clairement conduit au génocide des Tutsi, on est l’image, la réplique, une réincarnation du nazisme, certes africain si on est africain, qu’on le veuille ou non. Ce parallèle entre le régime génocidaire rwandais et le régime Nazi est étayé sérieusement par des historiens.

Qu’on ait préparé ou pas les tueries, qu'on ait participé aux tueries ou pas, qu’on ait commandité ou pas ces tueries, qu'on les ait ordonnées ou pas, on reste membre de cette mouvance si on ne la dénonce pas, notamment par une démission.

CRM aurait éditer des listes génocidaires en s'aidant possiblement de l'outil informatique constitué par les gendarmes français dans la période pré-génocidaire, et alors que l'objectif génocidaire des alliés rwandais de la France était connu des responsables français depuis octobre 1990 selon le général Varret chef la mission militaire au ministère de la coopération française6. CRM est resté très actif pendant le génocide, de l’aveu même du juge Bruguière dans son ordonnance de 2006, puisqu'il se serait aussi occupé de gérer les pièces à conviction de l'attentat du 6 avril 1994," déclencheur du génocide", tiré depuis le principal camp militaire du régime qu'il servait, selon l'enquête des successeurs du juge Bruguière, pour en accuser ses ennemis du FPR, solidaires des Tutsi. Les députés français s'étaient interrogés dans leur rapport de 1998 sur l'origine de la manipulation dont ils furent l'objet à propos de l'attentat du 6 avril 1994. Il serait bon de vérifier quel rôle CRM aurait pu jouer dans cette affaire. On sait que, malgré la mise en garde des députés, la thèse de CRM du "FPR responsable de l'attentat" fut reprise en 2006 par le juge Bruguière sans précaution et alors qu'il n'est jamais allé enquêter au Rwanda contrairement à ses successeurs. 

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La raison de mon engagement sur ces questions franco-rwandaises est simple. Je suis un simple citoyen, ancien militant de l’association Survie de 1985 à 2010 et toujours sympathisant, qui a une épouse rwandaise qui fut directement emprisonnée comme Tutsi en octobre 1990, puis à nouveau en janvier 1991, libérée à deux reprises par des pressions d'ong internationales, agressée physiquement à deux ou trois reprises par le Hutu power naissant dont faisait partie ses voisins dans la période 1990-1991, mais sauvée  par des concours de circonstance et la présence d'esprit de coopérants canadiens. Une partie de sa famille fut massacrée pendant le génocide. Elle fut témoin sur le terrain de la complicité française dans la traque des Tutsi. Son témoignage est public depuis mars 2004. On peut  le consulter ainsi que ses prolongements sur cette page.
J'ai été condamné en diffamation suite à une plainte du colonel de gendarmerie qui commandait la mission qui a informatisé le fichier PRAS, parce que j'ai écrit dans un commentaire sous un article d'un blog de Mediapart qu'il "a aidé le renseignement rwandais à constituer des listes des ennemis de l'intérieur... c'est à dire dans le contexte du Rwanda entre 1990 et 1994  des listes génocidaires". Le procureur avait émis un "réquisitoire définitif aux fins de non lieu", mais le juge d'instruction n'en tint pas compte. Ce colonel était en retraite mais aussi seul enquêteur de personnalité  du tribunal où je fus jugé et son fils seul psychologue de ce même tribunal. La notion de conflit d’intérêt est visiblement étrangère à l'administration française, quand il s'agit d'elle-même. J'ai été condamné à  payer neuf mille euros au total alors que je suis non-imposable. C'est dire qu'on tient à mon silence. Depuis j'évite de nommer clairement les gens mis en cause.

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  1. Toutes mes sources sur CRM sont accessibles dans les articles de Theo Englebert, de Jean-Français Dupaquier, sur l'article de Wikipédia consacré à CRM, et dans l'article de Survie pour la reproduction du tweet cf : Une journaliste de Libération poursuivie par un "présumé" génocidaire
     - J'avais à peine terminé la rédaction de cet article que je découvrais l'article de Jean-François Dupaquier qui relate le procès intenté par CRM pour "injure publique".. Très détaillé vous y trouverez de nombreuses informations complémentaires.
  2. Compte rendu semestriel de fonctionnement 
    7 ème feuille - Ambassade de France au Rwanda - Mission d'assistance militaire Colonel Bernard Cussac, attaché de défense et chef de la mission d'assistance militaire - 2 octobre 1993
  3. Rapport Mucyo : Rapport de la Commission nationale indépendante [rwandaise] chargée de rassembler les preuves montrant l’implication de l’état français dans le génocide perpétré au Rwanda en 1994
  4. Répartition des ministères dans l'accord d'Arusha du 9 janvier 1993
    4 ème feuille article 56 - site diplomatie.gouv.fr
    Le ministère de l'intérieur et du développement communal est attribué au FPR Le commandement de la gendarmerie rwandaise en dépendait. (les accords d'Arusha comportent 5 accords signés du 12 juillet 1992 au 4 août 1993).
  5. Lire quelques uns de mes articles au sujet de l’informatisation du fichier PRAS par la gendarmerie française :
    - Rwanda : les circonspections françaises oublieuses et inconséquentes 
    - Le rôle de la France au Rwanda entre 1990 et avril 1994
  6. Rapport des députés français page 292 dans la version PDF sur le site de l'Assemblée nationale.
    "Cette volonté d'éradiquer les Tutsis imprègne tout particulièrement l'armée composée uniquement de Hutus. Le Général Jean Varret, ancien chef de la Mission militaire de coopération d’octobre 1990 à avril 1993 a indiqué devant la Mission comment, lors de son arrivée au Rwanda, le Colonel Rwagafilita, lui avait expliqué la question tutsie : “ils sont très peu nombreux, nous allons les liquider ”. "

    La confirmation que c'est bien en décembre 1990 que le général Jean Varret entendit cette explication est venue de son interview que Jean-François Dupaquier a relaté dans un article : Génocide des Tutsi du Rwanda :" Un lobby militaire à l'Elysée"
    "JFD– Revenons sur une anecdote significative : lors de votre venue au Rwanda en décembre 1990, le responsable de la gendarmerie rwandaise, le colonel Rwagafilita, vous demande des armes lourdes et vous dit : « Nous sommes entre militaires et je vais vous parler plus clairement. La gendarmerie a besoin de ces armes car elle va participer à la résolution de notre problème avec les Tutsis : ils sont très peu nombreux, nous allons les liquider et cela ira très vite ».

    Vous rencontrez aussi à plusieurs reprises le colonel Serubuga qui commande les Forces armées rwandaises (FAR) et qui vous fait comprendre, dites-vous « que le génocide est une des solutions envisagées ».
    Tout cela date-t-il de la fin 1990 ? J’ai noté que le 14 décembre 1990, vous rencontrez à Kigali le président Habyarimana avec l’ambassadeur Georges Martres, le colonel du Plessis et le colonel Galinié.
    JV –En effet l’entretien que je venais d’avoir avec le patron de la gendarmerie rwandaise m’avait beaucoup inquiété. J’ai donc demandé cette rencontre par l’entremise de l’ambassadeur de France. Je raconte dans mon livre que Habyarimana s’est mis en colère contre le colonel Rwagafilita et m’a annoncé qu’il prendrait des mesures contre lui.
    JFD– Vous dites qu’il vous a en quelque sorte promis le limogeage de Pierre-Célestin Rwagafilita. Pourtant il ne l’a pas fait. Rwagafilita, le patron de la gendarmerie, et Laurent Serubuga, le patron des Forces armées rwandaises, ont été limogés trois ans plus tard, non pas pour avoir parlé d’exterminer les Tutsi, mais parce que des responsables militaires français avaient dénoncé leur incompétence opérationnelle…
    JV–  Juvénal Habyarimana n’a peut-être pas limogé aussitôt le colonel Rwagafilita mais il m’a montré qu’il était choqué de ses propos. Je reste persuadé que Habyarimana craignait le génocide."

     

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