L'enfer de la peur

 Je ne suis pas un militaire et ne l'ai jamais été, pas même en service national. Je ne comprends rien à l'art militaire. J'ai toujours détesté les combats physiques, je ne me souviens pas m'être battu dans une cours de récréation. D'une certaine manière, je suis un peureux. Comme disait mon frère à propos de notre père en réponse à un copain de classe qui le menaçait d'envoyer son père "casser la gueule" au sien, "Mon père, il se bat avec sa langue".

"Se battre avec sa langue", c'est d'ailleurs ce que fait Emmanuel Macron aujourd'hui. C'est ce que font tous les hommes politiques. C'est ce que nous faisons ici. Mais au-delà de la langue, des actes sont en gestation.

La peur c'est ce qui pousse Netanyahu à massacrer systématiquement les Palestiniens après l'attaque odieuse du Hamas qui l'a mis dans une situation qu'il ne peut plus gérer autrement que par une guerre alibi. Il jette le bébé avec l'eau du bain, en termes banaux hors de proportions avec la monstruosité de ses bombardements de civils parfaitement ciblés qu'il inflige aux Palestiniens. Cela prend la forme d'un génocide que même la juste mémoire de la Shoah ne réprime pas.

La peur, c'est ce qui pousse Poutine à mettre dans des cages ou à tuer tout ceux qui augmentent ses craintes autour de lui, à mettre six mètres de table "immaculée" entre lui et Macron, à se rassurer avec des armes extraordinaires, certes dangereuses, mais aux caractéristiques frelatées, que lui vendent ses militaires apeurés par ses exigences, à s'assurer que la volonté des Ukrainiens de rejoindre les pays démocratiques soit éradiquée. 

Cette volonté des Ukrainiens lui semble tellement inconcevable qu'il considère qu'ils seraient manipulés. Il n'arrive pas à comprendre ce qu'il n'a jamais pu comprendre dans sa matrice soviétique : la volonté d'être libre y compris et d'abord de son pouvoir. C'est un machiste féroce, tueur de "sa belle".

Poutine porte en lui le principal ravage mental du soviétisme qui le rassurait.

Mais est-ce la seule raison pour laquelle Poutine a peur de nous ?

Sa peur repose aussi sur un manque de confiance dans "les occidentaux". Nous devons reconnaitre que globalement nous occidentaux avons multiplié les trahisons, les oppressions contraires à nos valeurs et les erreurs d'analyse au nom du combat contre le communisme. Surtout notre réussite économique insolente, et de fait dominante, humilie le reste du monde. Elle donne l'impression de justifier toutes nos fautes, même s'il est clair que cette réussite relative repose avant tout sur la nature de nos régimes politiques et trop souvent l'exploitation que notre domination entraine. L'argent donne le pouvoir d'acheter aussi les consciences souvent d'une manière très sournoise, par ricochet, par spéculation sur la volonté d'enrichissement des dominés.

Cette réussite "se paye" en Russie par un PIB inférieur à celui d'une des puissances moyennes de l'Europe, un différentiel humiliant, très humiliant en terme de bilan, alors que la Russie bénéficie d'un sous-sol très riche. Le travail du génie humain est clairement supérieur aux rentes de situations. La démonstration extrême de cette réalité est faite par la République démocratique du Congo.

Les Russes devraient comprendre que l'étendue de leur territoire leur coute très cher en terme d'investissements. Cela explique en partie qu'avec une population deux fois supérieure à celle d'une puissance moyenne européenne la Russie ait beaucoup moins de rentabilité.

L'évolution morale ambiante semble avoir fait plus de ravages dans la Russie soviétique et post soviétique qu'en Europe en terme d'épanouissement des familles. La démographie du monde Russe est très inférieure à celle de l'Europe qui a fait beaucoup plus d'enfants, alors qu'elle dispose d'un territoire immense, qui risque à terme de profiter à la démographie du "grand ami" chinois. Une terreur de plus pour Poutine.

Dans ce monde occidental, dominé par les USA, l'Europe, matrice culturelle intolérante et suprémaciste blanche des USA, se sent un peu comme un parent déclinant et rigide face à sa progéniture chahuteuse et anarchique, forte de sa "tech" sans foi ni loi qui s'impose au monde entier, phagocytant toutes les relations humaines, y compris dans le monde de Poutine.

La peur ravagée et ravageante de Poutine rejoint rationnellement celle du reste du monde vis-à-vis des occidentaux.

Je me suis toujours demandé pourquoi les Japonais ne semblaient avoir aucune haine envers les États-uniens. Ils semblent atteints du syndrome de la fascination du bourreau, sans doute renforcée par une autre peur, plus grande encore, celle inspirée par la Chine. De tous ses ennemis, le Japon épuisé a choisi la protection du plus fort, transformant la violence destructrice états-uniennes contre ses villes en fatalisme dangereux de l'évolution industrielle de l'humanité. Ils n'ont d'ailleurs pas complètement tort sous cet angle.

Tout le monde sait que c'est lorsqu'ils ont peur que les animaux sont les plus dangereux. Il en est de même des humains. Celui qui a peur, mais se croit fort, se laisse agresser par sa propre peur et devient dangereux sans motif rationnel. Pour se rassurer face à ses agresseurs imaginaires, il leur ment tout le temps, croyant atténuer ainsi leur menace et minant ainsi la confiance qu'il pourrait inspirer. Mais sa peur demeure et il reste dangereux. Toute relation normale devient impossible.

Quand on envoie le GIGN maitriser un forcené, il évite de le tuer, mais le tuera si c'est la seule façon de le maitriser, c'est à dire s'il fait peur à tel point que le tuer est la seule solution imaginable pour ceux qui interviennent. En principe, il s'agit là d'une peur rationnelle, mais elle tacle lourdement les limites de l'esprit humain.

Je me sens impuissant face à ces réalités. La voie choisie par Emmanuel Macron me semble être la moins mauvaise pour l'Europe et pour le monde, dans le cadre de nos limites connues ou possiblement inconnues. Puissent les dirigeants européens en avoir conscience et en avoir toujours à l'esprit les limites. Puisse-t-elle réussir ! 

Notre meilleure aide ne pourrait venir que du peuple russe dont les aspirations de 1991 se réveilleraient. Après tout Poutine a affirmé hier 17 mars 2024, au soir de son acclamation orchestrée par ses subordonnés et supporters, que l'histoire se répète ... C'est bien son problème.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

L’Institut François-Mitterrand dans Le Point ... sur le révisionnisme

Génocide des Tutsi du Rwanda : la France n'est-t-elle pas coupable ?

Du Rwanda au Congo, les surenchères des diplomaties occidentales contre la vérité