La parole tue

L'institut François Mitterrand attaque Emmanuel Macron sur l’ambiguïté de son dédit lors de son discours en vidéo à Kigali.
 
Rappelons que les médias avaient entendu et lu que le Président de la République allait dire  « que la France, qui aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, n’en a pas eu la volonté ». Cette parole n'a pas été prononcée le jour J. Elle fut tue.

Clairement les éléphants socialistes de l'institut François Mitterrand attaquent Emmanuel Macron sur l’ambiguïté laissée par cet incident. [1]
 
Leur arrogance n'est un secret pour personne à commencer par celle de l’ancien secrétaire général de l’Élysée qui creuse ses tranchées depuis 30 ans avec sa "trompe énormément". Ils veulent maintenir la révision de l'histoire, initiée par François Mitterrand lui-même dans son discours à Biarritz le 8 novembre 1994, lorsqu'il a introduit l'idée négationniste d'un "double génocide." Ce concept sous-entendait qu'il justifierait l'implication de la France aux côtés des génocidaires "Hutu power", le génocide avéré des Tutsi étant "équilibré" par le génocide imaginaire des Hutu. Ramener encore les choses à une guerre civile, doublé somme toute d'un "génocide civil". Absurde et mensonger.
 
François Mitterrand savait que ce même jour, le Conseil de sécurité de l'ONU créait le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, limité par les exigences de la France pour protéger ses responsables aux événements de l'année 1994, et donc neutralisé à Biarritz par la notion de "double génocide" qui devait prospérer.

Il va falloir un jour comprendre que la définition du négationnisme, construite à partir de la négation de la Shoah, doit s'universaliser :

Nier un génocide est une chose. Nier l'identité de ses auteurs est aussi négationniste. Nier l'identité des complices des auteurs est encore négationniste.
La négation de la nature de la complicité, ici de l'implication française dans le génocide des Tutsi, doit être considérée comme négationniste.

Le génocide est un terrorisme extrême 

Jeudi 4 avril 2024 à Strasbourg, le compère du terroriste du marché de Noël a été condamné à 30 ans de prison, en raison de sa "très grande proximité avec l'assaillant" [2]. Il avait fourni une arme à un terroriste strasbourgeois, tué par les forces de l'ordre. Clairement les motifs de cette décision vont poser question aux "philosophes" du droit pour avoir écarté le motif de complicité dans un tel tableau. On peut en effet se demander si on ne cherche pas à plier la jurisprudence du terrorisme à celle, éventuelle à ce stade, de la complicité dans un génocide qui impliquerait des Français ? C'est une question grave dans un état de droit. J'ai en effet plusieurs fois comparé dans mes écrits la complicité française dans le génocide à la complicité dans le terrorisme.

La France a fourni des armes au régime génocidaire, des conseils militaires quotidiens au plus haut niveau, une informatisation du fichier des personnes à rechercher et à surveiller (la cinquième colonne matérialisée par les familles de Tutsi suspectés d'avoir rejoint le FPR entre 1990 et 1994) qui a certainement aidé les génocidaires à constituer leurs listes de Tutsi à tuer [3]. La France a aussi fourni une assistance diplomatique au sein du Conseil de sécurité de l'ONU au régime génocidaire. 
 
Le général français Jean Varret, écarté de son poste sur la question du Rwanda pour ses positions, et un ambassadeur de France au Rwanda nous ont informé qu'ils avaient été témoins de l'intention génocidaire du régime rwandais exprimée au plus haut niveau devant eux dès 1990 [4]. 
 
Tout cela constitue une "très grande proximité avec l'assaillant" et une complicité en toute connaissance de cause, même si clairement nous n'avons aucun élément qui permettrait de dire que la France a partagé l'intention de commettre le génocide. Le problème, c'est que les actes concrets qui découlèrent des décisions de François Mitterrand le laissent malgré tout penser, à moins que ses subordonnés partisans aient été particulièrement lourds de la comprenette. Encore faudrait-il avoir le courage de mettre en examen tout ce qui reste de ce petit monde.

On peut vraiment parler d'arrogance socialiste dans cette affaire. L'institut François Mitterrand en est le fer de lance [5].

Le contexte de Gaza

Sur la renonciation à la parole prévue par Emmanuel Macron, à mon avis il y a une autre hypothèse qui a du abonder dans le même sens que les précautions vis-à-vis des éléphants socialistes et des éléphants militaires d'Emmanuel Macron : le contexte de Gaza.

Je ne crois pas trop à la dissonance entre Emmanuel Macron et ses services de communication. Je pense que les nombreux commentaires, après pré-diffusion de l'information initiale, du style "et alors à Gaza ?" ont dû inquiéter le Président. Il est probable que les éléphants de toute nature aient aussi abondé dans ce sens, comme prétexte pour influencer le Président. Cela montrerait qu'Emmanuel  Macron aurait des doutes et des inquiétudes sur la qualification de génocide dans la conduite de la guerre israélienne, malgré son "droit à se défendre".

En disant "j'ai tout dit dans mon discours de 2021" à Kigali, il se verrouille lui-même. S'il dit autre chose dans l'avenir, il se déjugera à nouveau. Il faudra qu'il explique pourquoi.

Renvoyer les éléphants dans leur brousse 

Il ne faut jamais garder des éléphants dans un magasin de porcelaine ! Malgré tout le respect que j'ai pour les vrais éléphants, il faut renvoyer les éléphants politiques et militaires dans leur brousse. Ils ont fait assez de mal au Rwanda et à notre pays. Encore faut-il ne pas manquer de volonté politique.

Retour à la recherche de la vérité

Ceci dit la phrase prévue rejoignait les conclusions du rapport Muse, "un génocide prévisible" [6], paru quelques jours après le rapport Duclert en 2021, ce rapport que les Rwandais avaient confié à des avocats des grandes affaires d'état américaines. Les avocats américains contestent l'idée de l'aveuglement de la France et affirme que la France était parfaitement informée de la situation.

Elle rejoignait aussi le titre du rapport de l'Organisation de l'Unité Africaine, Le génocide qu'on aurait pu stopper, publié en 2000 ! [7]

Elle rejoignait enfin la parole écrite par notre ambassadeur de France dans le livre d'or du mémorial de Kigali "Le génocide des Tutsi n'aurait pas eu lieu si nous avions eu une autre politique".[8]

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  1. Rwanda : l'Institut François-Mitterrand demande à Emmanuel Macron de "lever l'ambiguïté" sur sa position - France Info - 8 avril 2024
  2. Un complice du terroriste du marché de Noël de Strasbourg condamné à 30 ans de prison
    Radio Télévision Suisse - 4 avril 2024
  3. Génocide des Tutsi du Rwanda : la France n'est-t-elle pas coupable ? - Emmanuel Cattier -2021
  4. Les révélations circonscrites d’un rapport parlementaire - Emmanuel Cattier - 2014 
  5. L’Institut François-Mitterrand dans Le Point ... sur le révisionnisme - Emmanuel Cattier - 2024
  6. Un génocide prévisible - Le rapport Muse - 2021
  7. Rapport de l'Organisation de l'Unité Africaine sur le génocide des Tutsi - 2000
  8. Antoine Anfre, ambassadeur de France au Rwanda, 2021  Mémorial de Gisozy

 

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